Le gazoduc transafghan vaut bien une guerre, même italienne


Le gouvernement dictatorial d’Achkhabad s’est décidé, après des années d’isolement, à ouvrir le Turkménistan à la compétition énergétique.
 A ce jour, la seule société étrangère dans le Pays était la Cnpc, société nationale chinoise. Mais depuis l’été dernier, l’italienne Eni avait montré son intérêt pour l’or bleu de l’un des Etats les plus répressifs au monde, connu pour être aussi impénétrable que la Corée du Nord.  Aucune organisation énergétique occidentale n’avait accès aux richesses gazières.

M. Poutine est probablement pour quelque chose dans le rapprochement italo-turkmène. Le chef du gouvernement russe, dont on sait qu’il entretient de bonnes relations avec M. Berlusconi, exerce encore une certaine influence sur les anciennes républiques soviétiques.
 Les investissements dans le pays ont été débloqués au cours du mois de septembre 2010, quand les ministres de l’Energie d’Afghanistan, du Pakistan et de l’Inde ont rencontré leur homologue turkmène et ont signé l’accord-cadre pour la construction du gazoduc « Tapi », acronyme des initiales des pays concernés.

Tapi n’est autre que le célèbre gazoduc transafghan, pour la réalisation duquel les Etats-Unis ont soutenu les talibans dans les années 90 avant d’envahir l’Afghanistan en 2001. La construction sera terminée en 2014: un pipeline long de 1.680 kilomètres transportera (à un rythme d’environ 90 milliards de litres par jour) le gaz naturel extrait des gisements turkmènes de Daulatabad à travers l’Afghanistan occidental et méridional (Herat, Farah, Helmand et Kandahar) jusqu’au Pakistan et à l’Inde. Le gaz sera exploité tout au long de son parcours par les trois pays : chaque jour, environ 14 milliard de litres resteront en Afghanistan, 38 se jetteront dans les gazoducs pakistanais et autant dans ceux indiens.

Le Tapi ne servira donc pas à l’approvisionnement des marchés énergétiques occidentaux, comme il avait été prévu dans le projet initial de la compagnie pétrolière californienne Unocal, lequel n’incluait pas l’Inde mais prévoyait  la fin du parcours gazier dans le port pakistanais de Gwadar sur la mer Arabique, d’où ensuite il aurait été transporté par bateau.

Les compagnies occidentales ne sont pas exclues du projet pour autant. Elles participent à la construction et à la gestion du gazoduc, jusqu’à présent sponsorisé par la Banque asiatique de développement (Bad ou Adb – Asian Development Bank – en anglais), institut financier international contrôlé par les Etats-Unis et le Japon. Le coût de réalisation est estimé à environ 8 milliards de dollars.

La participation de l’Eni est probable, non seulement parce que la régie italienne est déjà le principal partenaire énergétique occidental du Turkménistan, mais aussi parce qu’une grande partie du tronçon afghan devrait passer dans le territoire sous contrôle militaire italien: la province occidentale de Herat. On voit que l’engagement italien en Afghanistan affiche une finalité assez semblable à celle made in USA : le contrôle (et la gestion) des ressources énergétiques.

La condition nécessaire à la construction et au fonctionnement du Tapi est la paix dans la région. Celle-ci ne sera possible que sans la menace armée des talibans. Pour cela, il faut que ces derniers retournent formellement au pouvoir, si ce n’est pas à Kaboul, au moins dans les provinces pashtounes – une hypothèse toujours plus à la mode à Washington.

Article repris de East Journal. Traduction: Daniela Piazzalunga

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3 commmentaires à “Le gazoduc transafghan vaut bien une guerre, même italienne”

  1. Tietie007 16 juillet 2011 at 12:23 #

    Les américains n’ont jamais soutenu les talibans …c’est une légende urbaine reprise très souvent mais qui n’a aucune réalité …ils ont tellement soutenu les talibans, qui leur ont envoyé des missiles Tomahaws, l’été 1998 ! Le projet d’Unocal s’est arrêté très vite et était en concurrence avec ceux de l’argentin Bridas et du russe Gazprom, deux sociétés qu’on évite de citer, curieusement ! D’ailleurs on a tellement parlé de ce fameux gazoduc, que je pensais, il y a quelques années, qu’il existait ! Or il n’y a pas jamais eu l’once d’un début de construction de ce ghost-gazoduc !

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