Nous n’avons rien contre les conseillers fédéraux. Au contraire, notre système représentatif leur a délégué de solides pouvoirs, parce que le monde est grand et compliqué. Et nous leur en sommes reconnaissants, même si tant de dévouement tourne souvent au ridicule. Ueli notre ministre plénipotentiaire en matière de défense territoriale est certainement dans le civil un excellent gestionnaire du paysage. En d’autres termes, il sait lui l’homme de la terre de quoi il parle.
Solidement arrimé à son tracteur comme le matelot à son mât, traçant des sillons aussi droits que ses principes moraux, le nez dans le contentement de ses futures récoltes, Ueli a toujours su que la nature est patiente. On ne la lui fait pas. C’est pour ça qu’il s’agrippe à Gripen, seul contre tous, attendant que l’orage passe. Même si sa haute fonction l’oblige à s’entourer d’une garde rapprochée, censée l’inspirer à bon escient en matière de performances aéro-combatives, notre terrien d’outre-Sarine persiste et signe.
D’un point de vue strictement uelien, on peut comprendre le dilemme. Un aéronef trop performant risquerait de propulser le pilote en pays voisin, à peine le moteur allumé. La Suisse est exiguë, un confetti dans le cosmos, et il s’agit d’en tenir compte. Comme en 14, il faut du solide pour affronter l’ennemi, même s’il n’est que virtuel.
Cher Ueli, le monde a changé. Loin de nous faire l’apôtre du conflit armé, il s’agit de descendre de nos vélos et de s’attaquer au vrai problème: repenser l’Armée de fond en comble. Celui qui souhaiterait marquer son règne par le retour du deux roues dans l’Armée suisse, celui-là ne mérite pas notre attention. Une vision politique au niveau des pédales n’a jamais cartonné.