Le «Collectif Gare» rencontre Monsieur «Léman 2030»


Première pour le «Collectif Gare». Vendredi soir 15 juin 2012, dans les locaux des CFF à l’Avenue de la Gare à Lausanne, une délégation de ce groupement de citoyens souhaitant un moratoire immédiat sur toutes les démolitions programmées dans les quartiers de la gare de Lausanne a rencontré Laurent Staffelbach, Monsieur  «Léman 2030», du nom du concept que les CFF veulent mettre en place en vue notamment d’agrandir les voies tant à Lausanne qu’à Genève-Cornavin.

PAR CHRISTIAN CAMPICHE

De son côté, Laurent Staffelbach a pu mettre un visage sur les auteurs d’une pétition demandant que les habitants de Lausanne soient inclus dans le processus de décision. Muni de 750 signatures, le document a été remis récemment au Conseil communal de la ville de Lausanne.

Le temps presse car dans un quartier très populaire de Lausanne, celui du Simplon, un pâté d’immeubles et un hôtel familial semblent déjà condamnés sur l’autel des travaux projetés par la société CFF Immobilier, dont le représentant, Daniel Moser, était aussi présent à la réunion de vendredi. Selon le collectif, 250 personnes ont déjà vu ou verront leur bail dénoncé à l’heure d’une crise du logement sans précédent. «Nous nous inquiétons d’abord pour le sort de ces personnes qui risquent d’être repoussées vers des quartiers ghettos. En effet, nous attendons toujours des chiffres, de la part des personnes compétentes, sur les dégâts que causeront à terme les déchirures du tissu urbain et social, patiemment tricoté pendant plus d’un siècle dans le quartier sous gare et sur gare entre différentes classes de la société, des humbles aux plus aisées. La question que nous posons concerne aussi le développement urbanistique plus général de Lausanne et les inconnues qui y sont liées. Que se passera-t-il ensuite?», demande Barbara Fournier, du «Collectif Gare».

Laurent Staffelbach a dressé un bref panorama des transports publics en Suisse romande, parents pauvres par rapport au restant du pays, avec une part modale de 19% à Lausanne contre 31% à Berne. Sans parler de Zurich où le rapport des forces est encore plus inégal. Forte de son statut de capitale économique qui lui vaut la sympathie d’un lobby puissant au parlement, la cité des bords de la Limmat n’arrête pas de creuser pour enterrer ses voies ferroviaires et ménager l’équilibre urbain. Dans la région lémanique, où la croissance démographique est forte, l’objectif est plus modeste mais reste ambitieux à l’échelle de la région. A l’horizon 2023, la capacité des places assises sur les plus grandes lignes sera doublée, l’idée étant d’introduire une cadence soutenue pour les pendulaires. Un train au rythme du quart d’heure, toutes catégories de vitesse confondues.

A Lausanne, le projet coûtera 660 millions. Les chances sont bonnes d’obtenir le soutien de Berne, estime M. Staffelbach, pour qui les problèmes sont avant tout techniques. Les quais à Lausanne sont trop étroits et trop courts pour accueillir des convois de 420 mètres, tels qu’ils seront livrés par le groupe Bombardier en 2015. «Alors que l’on prévoit un accroissement de 50% des voyageurs en provenance de Berne, Lausanne est la dernière grande gare de Suisse qui n’a pas cette capacité sur l’axe Léman-Bodan», ajoute le responsable des CFF.

Dès lors pourquoi ne pas adopter le modèle de la taupe et enterrer la voie ferrée comme on le fait avec bonheur à Zurich ou à Malmö, en Suède?, argumentent les pétitionnaires. Impossible, soutient Laurent Staffelbach: «une gare souterraine à Lausanne serait un cauchemar car il faudrait creuser beaucoup plus en décalage, à cause de la topographie».  L’interlocuteur rejette également le reproche de bricolage lancé aux CFF. Connaisseur des infrastructures ferroviaires, le cheminot Jean-Claude Cochard a mis en cause le Centre Patronal, responsable d’une grave erreur pendant les années de vaches grasses. «Les milieux de droite ont privilégié la route par rapport au rail. Ils n’ont pas su défendre les projets d’envergure. Le résultat est la guerre de tranchées que nous connaissons aujourd’hui». – «Nous avons une armée d’experts», se défend Laurent Staffelbach. Et de souligner: ce qui «nous préoccupe, c’est une solution avec la ville de Lausanne».

Venu se joindre à la discussion, mû sans doute par la curiosité, le municipal lausannois des travaux Olivier Français, par ailleurs conseiller national, a déclaré partager les soucis des pétitionnaires. Il a confirmé le message que font passer les lobbyistes romands au Palais fédéral, à savoir que le projet souffre de la concurrence que se livrent Romands et Alémaniques pour obtenir la manne de Berne. «Mais il ne faut pas cacher la merde au chat, on doit accompagner le projet dans l’espace urbain, sous forme d’un lieu de vie. 70 nouveaux logements de qualité seront construits».

Invités à préciser ce qu’ils entendent par «lieu de vie», les interlocuteurs des pétitionnaires n’ont pas nié que le projet d’agrandissement du site de la gare intéressait les grands groupes de la distribution. Je consomme donc je vis!… L’effet boule de neige pourrait s’étendre jusqu’à Malley où un nouveau quartier est en train de voir le jour sur le terrain échangé entre les CFF et la ville, a souligné le représentant de CFF Immobilier, Daniel Moser.

Beaucoup de questions demeurant encore sans réponse dans le serpent de mer du Concept Léman 2030, le débat public ne fait probablement que commencer. Les membres du «Collectif Gare» comptent sur de nouvelles séances d’orientation avant les prochaines étapes décisives pour les CFF, prévues à l’horizon du printemps 2013. Il s’agit, d’une part, de la validation du crédit de 660 millions pour l’agrandissement de la gare de Lausanne, et, de l’autre, de l’approbation des plans du projet d’extension par l’Office fédéral des transports. La mise à l’enquête est prévue durant le deuxième trimestre 2013.

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