L’armée suisse achète des hélicoptères trois fois trop chers


Cela fait une bonne trentaine d’années que l’armée suisse aurait dû, pour des raisons d’efficacité et de rentabilité économique, utiliser des hélicoptères de différents tonnages pour effectuer des missions variées. Elle ne l’a pas fait, on peut se demander pourquoi.

PAR BERTIL ROUILLER

On peut aussi se demander pourquoi l’armée achète des hélicoptères inadaptés trois fois trop chers.

Les hélicoptères sont précieux lors de missions de reconnaissance, de protection, de frappes, de ravitaillement, de sauvetage et de transport de commandos bien équipés et professionnels. C’est comme cela dans beaucoup d’armées du monde. En Suisse, la topographie est particulièrement favorable. Collines, montagnes, arbres et bosquets favorisent la capacité des hélicoptères à se protéger, à se tenir à l’affût et à intervenir par surprise.

Les véhicules chenillés ou à roues ont l’avantage d’un blindage supérieur et d’être opérationnels en continu en début de conflit. Mais leur lenteur relative leur ôte toute capacité d’intervention rapide à distance. En outre, leur résistance sur le champ de bataille est fragile. Les avions et les drones ont aussi des capacités d’attaque, d’appui feu et de reconnaissance, mais l’éventail des missions qu’ils peuvent réaliser et leur souplesse d’utilisation sont moindres. Les drones doivent être utilisés en synergie avec d’autres systèmes.

L’hélicoptère n’a pas ces défauts. Ce n’est pas pour rien que les stratégies militaires modernes le définissent comme l’unique possibilité d’effectuer des missions diverses de manière rapide et avec un maximum d’efficacité au profit de l’armée de terre. Certes l’hélicoptère coûte plus cher à l’achat et à l’utilisation, mais, bien utilisé, il permet de diminuer intensément la quantité des véhicules de combat, qui sont aussi onéreux.

Mal utilisé, en revanche, avec des équipements et des stratégies inadaptés, il aboutit à une efficacité très relative. En Afghanistan, l’armée soviétique cumula environ 300 hélicoptères perdus en 9 ans.

A quatre reprises entre 1968 et 2003, la Rega s’est très bien équipée en hélicoptères disponibles avec des équipements militaires et antichars. Mais l’armée ne sait pas si bien faire, et la différence de traitement à l’achat ne manque pas d’étonner. Avec les 310 millions utilisés pour s’équiper de 20 EC-635, qui ne sont pas fonctionnels militairement, la Suisse aurait pu réaliser des achats pertinents. Par exemple acquérir deux ou trois modèles du même constructeur Eurocopter avec 16 monomoteurs AS-550C3 équipés d’armements guidés, 8 EC-645 et 6 petits EC-120 pour la formation de base. Le coût horaire de l’AS-550C3 est 47% inférieur à celui de l’EC-635. L’EC-645 transporte quatre passagers et 783 kilos de plus que nos EC-635 pas équipés à 13 millions de francs, et n’a coûté que 4,38 millions de dollars à l’armée américaine, sous le nom d’UH-72A.

D’autres alternatives existent encore. Si elle n’était pas convaincue par l’AS-550C3, pour une raison ou une autre, l’armée suisse aurait pu prendre, depuis longtemps, des OH-58D actualisés en Bell-407 ou des MD-530F actualisés en version militaire avec l’AH-6i. Ils auraient coûté entre 3,5 millions et environ 14 millions (hyper équipés) de francs. Si elle n’était pas convaincue par les EC-645, l’armée aurait pu aussi choisir des Bell-412 et leurs 2318 kilos de charge utile et 14 places. A 10,292 et 13,23 millions de dollars pièce, ils auraient été plus efficaces que nos EC-635.

L’optimisation de la flotte d’hélicoptères s’inscrit dans une optique d’efficacité de l’armée de terre. Quelque 3864 véhicules blindés ont été achetés entre 1963 et 1993. Pour la plupart construits en Suisse, ils ont coûté environ 8,136 milliards de francs. Depuis, l’armée Suisse a notamment acquis 476 véhicules blindés modernes de transport de grenadiers répartis entre 186 chars CV-9030 et 290 camions GMTF. Valeur: 1,508 milliards de francs. Et elle envoie maintenant à la casse ses chars de grenadiers M-113 modernisés et remotorisés, tout en prétendant, dans des rapports de 2010, avoir besoin de 500 chars de grenadiers à roues et 75 véhicules protégés. Ces nouveaux véhicules pourraient coûter entre 2,65 et 3,15 milliards de francs.

Dans une optique de rationalisation, la meilleure chose à faire serait d’aquérir une douzaine d’hélicoptères de reconnaissance armés. Il conviendrait aussi d’armer les EC-635 pour en faire des escorteurs destinés à protéger les hélicoptères de transport Super Puma et Cougar qui peuvent emmener des soldats et commandos bien équipés armés de missiles portables comme le Spike et le Javelin. Dépense totale pour les hélicoptères: entre 240 et 260 millions de francs, y compris l’armement lourd de cinq Cougars. Tout ceci serait plus efficace et nettement moins coûteux que les 575 chars et camions blindés.

 

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Un commentaire à “L’armée suisse achète des hélicoptères trois fois trop chers”

  1. Hernan 18 août 2017 at 08:43 #

    Excellent article… je ne suis pas d’accord sur tout.. mais je pense que la Suisse, vu sa taille, devrait avoir un plus grand éventail d’hélicoptères militaires:

    1. de transport
    2. de combat anti-tank
    3. de combat anti-avion
    4. de reconnaissance

    L’hélicoptère est nécessaire à la défense de la Suisse, beaucoup plus que les avions…. On en a besoin de quelques-uns pour intervenir sur des vols, escortes, etc…

    Vu notre typographie, montagne, forêt, etc… on peut facilement en cacher à plusieurs endroits et les utiliser de manière intelligente…

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