“La mondialisation sert les intérêts d’une élite”


La mondialisation économique, avec ses progrès et ses dérives, peut-elle encore servir le bien commun? Rien n’est moins sûr pour l’économiste Liliane Held-Khawam (photo DR), qui prêche pour une gestion éthique.

Propos recueillis par Guillaume Béguelin

Quel impact la mondialisation a-t-elle sur l’économie suisse?

Avant tout, il serait nécessaire de préciser ce que l’on entend par mondialisation. Le principe de mondialisation tel qu’il fut présenté au peuple dans les années 1990 avec l’Espace Economique Européen l’était dans un emballage « humaniste ». Or, ce qui se passe actuellement est bien différent. Le pouvoir des marchés financiers a été placé au-dessus des pouvoirs publics. De ce fait, la mondialisation actuelle aurait tendance à servir davantage les intérêts d’une élite que ceux de la collectivité.

Comment se fait-il que les pouvoirs publics puissent servir le marché au détriment du citoyen et du privé?

Premièrement du fait de la financiarisation de tous les secteurs économiques et privés. Il faut ensuite se demander qui finance les partis politiques. Cette mondialisation à tout prix a de nombreuses conséquences: délocalisations, sous-traitance à bas coûts, salaires low cost, licenciements massifs, échange de population active entre des seniors expérimentés et des juniors en CDD ou stagiaires moins chers mais ignorants des pratiques de gestion… L’entreprise est devenue l’otage du dieu-argent.

Au niveau individuel, quel est le pouvoir du citoyen sur l’économie face aux conséquences de cette mondialisation?

Il faut renoncer autant que possible à la financiarisation, cela implique aussi de sortir de l’endettement et de vivre à la hauteur de ses moyens. Ensuite, chaque personne est invitée à humaniser son projet et ses activités professionnelles, pour recommencer à servir les hommes. Un patron ou un cadre peut le faire en impliquant ses partenaires ou ses employés dans une vision humaine du travail, servant le bien commun. Bien entendu, le marché impose des contraintes, mais chacun a, au milieu de celles-ci, une sphère dans laquelle il peut choisir d’agir humainement. Les contraintes du marché ne nous empêchent pas d’agir à notre échelle. Ce qui se passe malheureusement, c’est que la démission de certains politiques sert d’excuse au citoyen qui ne désire pas prendre position. Un mode de vie consumériste nourrit nos motivations égotiques, et incite à suivre le courant. Comme le dit l’adage : les poissons vivants sont les seuls à remonter le fleuve à contre-courant.

A chacun donc de se responsabiliser à son niveau?

Oui, je pense que chacun peut faire une différence dans la sphère qui est la sienne, en servant l’humain au travers de son activité, en considérant ses clients, employés, sous-traitants, et collègues humainement dans ses décisions et dans ses actions.

Liliane Held-Khawam est économiste d’entreprise et fondatrice de Pro Mind Consulting S.A., une société de conseil en stratégie d’entreprise et en management fondée en 1989 et basée à Lausanne en Suisse. Elle publie régulièrement dans la presse suisse francophone des articles politiques et économiques qui plaident pour une réhumanisation de l’économie. Cette interview est parue dans Tink.ch.

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