L’initiative du PDC victime d’elle-même


Au cours du débat qui s’est tenu en début d’après-midi, dimanche 8 mars 2015, sur le plateau de RTS1, on pouvait entendre différentes explications sur l’échec des deux initiatives soumises à votation.

PAR PIERRE NOVELLO

Si l’on se limite à celle du PDC, portant sur l’exonération des allocations familiales, son rejet aurait été dû en grande partie aux craintes de la population quant à l’évolution de la conjoncture et au franc fort. D’autant que nombre de grands argentiers des exécutifs cantonaux étaient montés au front pour s’opposer à l’initiative qui allait vider leurs caisses. En bref, ce n’était vraiment pas le moment pour perdre de précieuses recettes fiscales!

Allègement fiscal pour qui?

Pourtant, ce n’était là qu’un des enjeux, comme cela avait d’ailleurs été dit tout au long de la campagne. Fondamentalement, la question est de savoir si une majorité de la population désire que l’on aide les familles, au-delà de ce qui existe déjà. Ce n’est pas acquis. Ensuite, la solution préconisée ne concernait pas toutes les familles. Une grande partie d’entre elles auraient en fait eu avantage à rejeter cette initiative, car elles n’en auraient tiré aucun profit ou très peu. En effet, pour bénéficier d’un allègement fiscal, faut-il encore payer des impôts. Concrètement, selon les explications du Conseil fédéral, près de la moitié des ménages avec enfants ne paient plus d’impôt fédéral direct.

Progressivité de l’impôt

Et ceux qui sont soumis à l’impôt le sont selon un barème progressif, selon le principe général. En d’autres termes, cela veut dire que plus votre revenu est élevé, plus le taux d’imposition augmente, jusqu’à un certain seuil. Pour illustrer ce concept, reprenons les chiffres présentés par les initiants pour une famille avec deux enfants: avec un revenu imposable de 50’000 francs, auquels s’ajoutent 6’360 francs d’allocations familiales, l’impôt dû est de 6432 francs Si on fait le même calcul avec un revenu imposable de 70’000 francs + 6’360 francs d’allocations familiales, l’impôt se monte à 9’984 francs. On voit que l’impôt est progressif, car sur 56’360 francs de revenu imposable, il en représente 11,4 %, contre 13,1 % sur 76’360 francs.

Un rejet logique

Toujours selon l’exemple proposé par les initiants, si l’on exonère les allocations familiales, l’impôt dû sur le revenu imposable de 50’000 francs tombe à 5’373 francs, donnant lieu à une économie fiscale de 1’059 francs. Tandis que l’impôt sur le revenu imposable de 70’000 francs passe à  8’806 francs, permettant d’économiser 1’178 francs, soit 119 francs de plus qu’avec un revenu imposable de 50’000 francs. On constate donc que l’économie fiscale s’accroît au fur et à mesure de l’augmentation du revenu imposable, pour la même déduction fiscale. Or pour les revenus les plus élevés, le taux maximal d’imposition dépasse les 40 %. Ainsi, au bout du compte, on constate que nombre de familles n’auraient profité d’aucun avantage, tandis qu’à l’autre bout de l’éventail, celles aux plus hauts revenus auraient engrangé des économies fiscales très importantes.

Il s’agit là d’une proposition particulièrement maladroite, qui explique sans doute son échec cinglant.

L’auteur est journaliste économique indépendant.

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2 commmentaires à “L’initiative du PDC victime d’elle-même”

  1. Doni 11 mars 2015 at 14:14 #

    Merci pour ces illustrations chiffrées qui auraient été fort utiles au débat… j’ai constaté une sorte de tabou sur cet angle de vue, notamment lors du débat proposé par l’émission infrarouge sur la rts.

    Ne serait-il pas plus honnête intellectuellement d’abolir les allocations à partir d’un certain revenu? Car on a l’impression, dans ces cas, que l’Etat a le plus à gagner grâce aux recettes fiscales perçues que les familles concernées…

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    Pierre Novello 11 mars 2015 at 19:34 #

    Votre remarque est judicieuse, d’autant plus que si les allocations familiales sont imposées comme tout revenu, leur but est d’aider les familles à assumer les frais d’éducation de leur(s) enfant(s). Et ce n’est pas lié à la rémunération du travail. Pourquoi donc l’Etat s’octroie-t-il une ponction aussi lourde sur les allocations des revenus les plus élevés? La question se pose. D’un autre côté, on peut aussi considérer que l’Etat, au niveau cantonal et communal, intervient aussi au titre de l’aide sociale pour soutenir les plus faibles de la société. Et souvent les familles les plus modestes. Donc, l’un dans l’autre, ce prélèvement n’est pas aussi inique qu’il peut paraître.

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