Finma ou le mélange des genres entre le privé et le public


La Finma – pour «Financial market authority» ou «Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers» – est le gendarme des marchés financiers suisses.

PAR LILIANE HELD-KHAWAM

Cette structure de type privée est dotée de pouvoirs extrêmement étendus, puisqu’elle émet toute seule des ordonnances fédérales qui concernent tant l’avenir du gros de la masse financière gérée en Suisse que la totalité des emplois et du devenir de l’industrie financière du pays.

Or, cette entité hautement indépendante interpelle de manière aiguë et lancinante sur sa nature de type privé, alors qu’elle est chargée de gérer et de protéger le bien commun.

Le mélange des genres est d’autant plus frappant que la Finma bénéficie de pouvoirs régaliens qui mélangent émission de lois et saisie des biens de la population, et qu’elle réalise son chiffre d’affaires précisément grâce aux bénéficiaires de ces saisies… Un exemple illustratif serait le fait que la Finma confisque les avoirs de clients de UBS pour renflouer les fonds propres de celle-ci. Or, la même UBS finance une partie du chiffre d’affaires de Finma!!!

Le raisonnement est rigoureusement le même quant à la surveillance. Comment l’autorité de surveillance peut-elle réaliser son chiffre d’affaires avec les entités surveillées? Imaginons que la police municipale facture au citoyen chaque année sa prestation. Que celui qui a plusieurs domiciles va être facturé plusieurs fois. La police aura-t-elle le même comportement avec lui qu’avec le chômeur du coin?

Ce rapport financier direct met à mal la notion de neutralité et même d’autorité au sens compris communément. Finma représente l’exemple-type du mélange des genres entre le privé et le public.

Sous le feu des critiques et suite à des interventions de députés, le Conseil fédéral a rédigé un rapport et émet des recommandations qui pour finir ne règlent aucun des problèmes qui rendent Finma indigeste.

Le plus intéressant de ce rapport est la confirmation suivante: «Le conseil d’administration, la direction et l’organe de révision constituent les organes de la Finma (art. 8 LFINMA). La structure de conduite de la Finma repose sur le régime d’une société anonyme privée: le conseil d’administration est l’organe stratégique. Il doit en particulier fixer les objectifs stratégiques de la Finma, édicter les ordonnances relevant de la compétence de la Finma, arrêter les circulaires et statuer sur les affaires de grande portée (art. 9 LFINMA). Les critères permettant de déterminer si une affaire est de grandes portées ont définis à l’art. 2, al. 3, du règlement d’organisation de la Finma. La direction assume la conduite opérationnelle de la Finma et arrête les décisions (art. 10 LFINMA). »

C’est ainsi que l’on transfère la souveraineté d’un peuple et le pouvoir du législateur élu démocratiquement à un marché financier qui reçoit le pouvoir par le fait du prince. Plus grave, la suprématie d’un conseil d’administration représentant le marché financier sur des affaires publiques qui de plus, légifère par voie d’ordonnances et circulaires sans passer par les élus est un enterrement de la démocratie. C’est clair et net.

Tout le monde sait que la Finma a une faculté à s’adapter aux circonstances. Les cas récents d’inconduite de HSBC, de BSI ou de la Banque Espirito Santo (ESB), dont un administrateur siégeait dans le fameux conseil d’administration de la Finma, ont été assez édifiants à cet égard. En février 2015, la Finma a par exemple renoncé à ouvrir une enquête à l’encontre de HSBC en plein scandale de Swissleaks. La BSI sanctionnée à hauteur de centaines de millions par les américains reçoit un blâme!

La conseillère fédérale aux Finances a toujours protégé les grandes banques et défendu leur sauvetage. Elle a notamment participé au sauvetage de UBS alors qu’elle était vice-présidente de la BNS et l’année suivante en tant que remplaçante de son collègue M. Rudolf Merz. Son chef de parti politique était jusqu’en 2013 ouvertement un lobbyiste de UBS.

C’est dire si le Conseil fédéral va défendre la stratégie de Finma et les acquis des too big to fail.

La suite de l’article sur le blog de Liliane Held-Khawam.

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2 commmentaires à “Finma ou le mélange des genres entre le privé et le public”

  1. Pierre-Henri Heizmann 13 juin 2015 at 07:54 #

    Il est en effet édifiant que le Département fédéral des finances soit sous l’autorité de tutelle d’une Conseillère fédéral qui aura démontré dès le premier jour de son élection un caractère peu amène pour une personnalité publique de son rang : la déloyauté.
    Aujourd’hui après avoir été réélue une seconde fois avec l’appui de forces politiques ouvertement opposée à la vision de son modèle économique et bien que totalement illégitimée quand à la représentativité de son parti le PBD, pour rappel à peine 4% des 246 représentant-e-s du Peuple aux Chambres fédérales (9/200 CN et 1/46 CE), la voici qui brigue un troisième mandat… Fourberie avez-vous dit ?

  2. Held-Khawam 13 juin 2015 at 11:34 #

    Vous avez absolument raison de relever la surprenante présence de Mme Widmer-Schlumpf. J’avais écrit en son temps un article sur cette présence qui relève plus du “miracle” que de la réelle démocratie: https://lilianeheldkhawam.wordpress.com/2014/01/30/eveline-widmer-schlumpf-est-allee-trop-loin-le-temps-12-06-2013/

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