En France, Noël à Pâques


En France, tous les cinq ans, c’est Noël à Pâques. Pourquoi ? Parce qu’on élit le président de la République.

PAR MARC SCHINDLER, Alès

C’est le temps des cadeaux pour tout le monde. On n’est qu’à un an de la présidentielle, mais déjà, des cadeaux, il y en a pour les instits, les fonctionnaires, les flics, les paysans et j’en passe.

Revue de détail: la ministre de l’Education nationale promet de tripler la prime des enseignants des écoles maternelles et élémentaires. Ca coûtera environ 300 millions d’euros par an. Ca tombe bien. Les enseignants, soutien traditionnel de la gauche, ne seraient plus que 21% à voter Hollande, selon un sondage. Le ministre de l’Agriculture promet une aide de 290 millions aux paysans en colère, qui subissent de plein fouet la crise agricole et la course aux prix bas, et qui déversent des déchets devant sa maison. Des électeurs qui votent pour la droite ou le FN. Le ministre de l’Intérieur promet d’équiper les brigades anti-terroristes de nouveaux fusils d’assaut, de gilets pare-balles et de boucliers pour 17 millions. Il y urgence…politique. Selon une étude récente, en 2015, plus de 50% des policiers ont voté pour le Front national. Le gouvernement annonce une hausse de 1,2% des traitements des fonctionnaires, une gâterie à 2,4 milliards par an. Selon la même étude, plus d’un fonctionnaire sur cinq a voté FN, l’an dernier. Alors, le gouvernement lance ses promesses: qui veut gagner des millions?

Mais où le gouvernement va-t-il trouver tout cet argent ? Le déficit public atteint plus de 77 milliards, près de 4% de la richesse produite en France. La dette dépasse 2000 milliards, 95% du PIB. Le président et son premier ministre n’ont jamais été aussi impopulaires. Les grèves se succèdent et la télévision montre chaque jour des images de guérilla urbaine entre les casseurs et la police. Mais «ça va mieux en France». C’est le président qui le dit, le 14 avril, dans l’émission de télévision «Dialogues citoyens». Evidemment 83% des Français n’y croient pas et la droite se moque du «président normal à la face éternellement joviale».

Pourtant, les bonnes nouvelles économiques tombent en rafales: 60000 chômeurs de moins en mars, une méga-commande de 12 sous-marins par l’Australie, la croissance qui accélère au premier trimestre. Et surtout, le déficit public est en baisse de 0,3% par rapport aux prévisions. Ca représente quand même une cagnotte de 6 milliards. Ben voyons, il suffit de taper dans ce bas de laine pour financer les promesses!

Tous les candidats à la présidentielle de 2012 ont fait des promesses mirifiques, sans expliquer sérieusement comment les financer. Eva Joly, la candidate écologique, promettait de créer un million d’emploi d’ici à 2020; Marine Le Pen voulait augmenter de 200 euros les salaires inférieurs à 1500 euros; Nicolas Sarkozy promettait une hausse de 70 euros par mois pour les petits salaires; Mélanchon, du Front de gauche, un salaire minimum de 1700 euros par mois; et François Hollande promettait de créer 150 000 «emplois d’avenir» pour les jeunes. Mais les Français ne font plus crédit aux promesses qui, comme chacun le sait, n’engagent que ceux qui y croient.

Il n’y a pas qu’en France. La campagne électorale américaine nous vaut aussi son pesant de promesses et de belles intentions. Hillary Clinton, qui veut relever le salaire minimum fédéral de 7,25 à 12 dollars: «Nous ne devrions pas faire des promesses que nous ne pourrions pas tenir». Son adversaire démocrate Bernie Sanders promet de mettre en place une assurance maladie universelle fédérale, qui replacerait le coûteux système actuel d’assurances privées, mais qui coûterait plus d’un million de millions de dollars. Quant au milliardaire républicain Donald Trump, il veut «supprimer l’impôt sur le revenu pour les Américains gagnant moins de 25 000 dollars (50 000 dollars pour les couples). Dans le même temps, le taux supérieur d’imposition serait ramené de 39,6 % des revenus à 25 %. Quant à l’impôt sur les sociétés, il passerait de 35 % à 15 %.» Le hic, selon le Tax Policy Center, un organisme non-partisan, c’est que les recettes fiscales diminueraient de 25 000 milliards de dollars en vingt ans.

On a envie de parodier Michel Audiard dans «Les tontons flingueurs»: «c’est curieux chez les politiciens ce besoin de faire des promesses». Mais qui a jamais prétendu que les promesses électorales était faites pour être respectées? Cyniquement, elles servent seulement à être élu.

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Un commentaire à “En France, Noël à Pâques”

  1. Zimmermann Michel 2 mai 2016 at 09:35 #

    Vous auriez également pu, bien cher Marc, et là il ne s’agit pas de vagues promesses électorales, parler du “pacte de responsabilité” qui représente tout de même un cadeau de 41 milliards d’euros fait aux patrons du CAC 40 et aux entreprises (à côté desquels, vous admettrez que les 300 millions aux enseignants, les 290 millions aux agriculteurs et les 17 millions aux flics font, toute proportion gardée, figure de peanuts).
    La vraie question, s’agissant de la France, n’est pas tant de savoir de quoi sera faite la présidentielle de 2017. La vraie question c’est : quand, enfin, sous les coups de butoir du peuple français (sa classe ouvrière qui, faute de direction loyale et de boussole, vote un peu FN et s’abstient beaucoup) les institutions réactionnaires et bonapartistes de la V° République feront place à l’élection et à la convocation d’une nouvelle Assemblée constituante.

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