Clic, a voté


La France a vécu un de ces psychodrames qui pimentent la vie politique.

PAR MARC SCHINDLER, Alès

Le président des Républicains, Nicolas Sarkozy, voulait empêcher les électeurs expatriés de voter par Internet à la primaire qui désignera le candidat du parti à la présidentielle. Ses adversaires ont hurlé au coup d’Etat en l’accusant d’empêcher 1,2 million de Français de l’étranger de voter. Après quelques coups de gueule, un compromis a été trouvé: les expatriés voteront par bulletin papier à Londres, à Genève et à New York, mais par internet en Chine et au Canada, où la loi interdit d’ouvrir des bureaux de vote étrangers.

En France, dès l’an prochain, on devra déclarer ses revenus par Internet. La Sécu, EDF, la poste et votre banque vous encouragent à gérer vos comptes par Internet. Mais, pour voter, il faut toujours faire la queue devant le bureau de vote pour déposer son bulletin dans l’urne ou donner une procuration. Sauf si vous êtes un électeur expatrié. Après vous être inscrit auprès d’un consulat de France, vous pouvez élire par Internet votre député, mais pas le président de la République, ni votre conseiller régional.

Selon un sondage, 56% des Français sont favorables au vote électronique, comme la secrétaire d’Etat au numérique. Mais pour les opposants, «il n’y a pas plus opaque qu’une urne électronique». Selon le site Numerama, qui se proclame «le media de référence sur la société numérique et l’innovation technologique»: «Chacun clique depuis l’enceinte opaque de sa maison, sans que personne ne puisse s’assurer que l’identité de l’électeur a été contrôlée. On choisit un candidat, mais l’on ne peut pas savoir si le bulletin envoyé n’a pas été modifié. On ne peut pas non plus être certain que le choix du bulletin n’a pas été enregistré dans une base qui permet de savoir qui a voté quoi. Ou qu’il n’a pas été intercepté par des regards indiscrets».

Pour un citoyen genevois habitant la France et qui vote par Internet depuis dix ans, ces craintes paraissent dépassées. Bien sûr, les risques de fraude existent sur Internet, mais le vote électronique peut être transparent, sécurisé et démocratique. A condition de s’en donner les moyens. Genève a joué un rôle de pionnier, en développant, en hébergeant et en exploitant son système par ses propres informaticiens, sans faire appel à des sociétés privées. Le code source, le texte contenant les instructions de programme, est public.
Je viens de voter par Internet pour plusieurs initiatives fédérales et des projets de lois cantonales, notamment «Pour un revenu de base inconditionnel», soumis aux électeurs, mais rejeté par le gouvernement et la majorité du Parlement. J’ai reçu par courrier, trois semaines à l’avance, une documentation complète avec le texte de l’initiative, les arguments du comité d’initiative et ceux du gouvernement. J’ai aussi reçu ma carte de vote avec l’adresse Internet du site evote.ch. C’est une procédure complexe pour garantir la sécurité de mon vote, mais qui ne m’a pris que quelques minutes. Je dois indiquer ma date de naissance et ma commune d’origine, puis taper mon numéro de carte et prendre connaissance des articles du Code pénal qui répriment la fraude électorale. Ensuite, je coche la réponse oui ou non à chaque question posée. Je vérifie que les codes de quatre caractères correspondent bien à mes votes, puis je gratte mon code de confirmation pour déposer mon vote dans l’urne électronique. Le système me renvoie un code de finalisation qui correspond à celui indiqué ma carte de vote. Ca y est: clic, a voté.

Pour le dépouillement, voici comment ça se passe: «Les votes envoyés par internet sont stockés dans une urne électronique cryptée. Après la clôture du vote, l’urne électronique est décryptée à l’aide des clés que possède la commission électorale centrale (CEC). Son contenu est ajouté aux bulletins en provenance du vote par correspondance et des bureaux de vote. Aucun résultat n’est publié avant le dimanche (jour du scrutin) midi, heure de fermeture des bureaux de vote. Ensuite, les résultats consolidés sont publiés sur le site de l’Etat de Genève au fur et à mesure du dépouillement».

Vous trouvez ça compliqué? Je vous assure que c’est plus simple que de remplir ma déclaration d’impôts et que je me suis moins pris la tête. A Genève, seuls les électeurs expatriés, les habitants de la ville et de seize communes peuvent voter par Internet. 75% des électeurs votent par correspondance, 18% par Internet et seulement 7% vont encore au bureau de vote. Mais seuls quatre cantons suisses ont offert la possibilité à leurs citoyens établis à l’étranger – soit 34’000 Suisses de l’étranger sur les 142’000 inscrits sur un registre électoral – d’élire leurs représentants à la Chambre basse du Parlement par voie électronique lors des élections législatives du 18 octobre dernier. Le gouvernement fédéral a rejeté, pour des problèmes de sécurité, le système de la société américaine Unisys, choisi par huit cantons. Mais la Poste suisse s’est lancée dans le vote électronique avec une société espagnole qui a des liens avec le Département américain de la Défense, ce qui fait tousser le monde politique. Le vote par Internet, c’est aussi du business. Les Républicains de Nicolas Sarkozy n’ont probablement pas les moyens de financer et de contrôler si leurs électeurs voteront pour le bon candidat à la présidentielle.

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