Federer ou l’éternel retour


En se qualifiant en cinq sets pour les demi-finales de Wimbledon face à Marin Cilic, après avoir été mené deux sets à zéro, Roger Federer, numéro 3 mondial et septuple lauréat du tournoi, vient de démontrer, au terme d’un match incroyable, qu’il demeure le très grand champion qui marquera pour toujours l’histoire du tennis de sa légende.

PAR CECILIA HAMEL

En présence des grands athlètes, qu’ils gagnent ou qu’ils perdent, il faut se garder d’épiloguer sur leur fin potentielle.

L’ Helvète virtuose de la raquette a souvent essuyé des commentaires sportifs hâtifs annonçant sa fin et prédisant son départ. Comme si les défaites des grands champions devaient exclure des lendemains victorieux… C’est plutôt leur courage à se surpasser sans cesse qu’il faut admirer, au lieu de les donner pour «finis» prématurément.

Federer restera maître de son départ et du point final de sa carrière quand il le voudra. Joueur d’exception il a connu la grâce et l’adulation en dominant les courts comme numéro un mondial, autant que l’intime amertume d’avoir parfois, lors de très rares revers, déçu l’attente d’un public admiratif et acquis à sa cause.

Hier, à Wimbledon, entamant son 48e quart de finale en Grand Chelem, Roger Federer avait l’opportunité de se mesurer à nouveau à Marin Cilic. Ce dernier, géant surpuissant des courts de tennis, l’avait rudement battu en 2014. Roger arrivait hier en bonne posture; toutefois nul ne pouvait être sûr ni de la victoire de l’un, ni de celle de l’autre. Au prix d’un combat héroïque, il a réussi, en puisant au plus profond de ses ressources, à rester dans le match et à s’imposer. Là réside la beauté du sport, allégorie de la vie.

Après tant d’autres, Roger Federer a réussi là l’un de ses plus beaux retours

Le tennis de Roger c’est un style, une certaine grâce. En outre, très conscient d’inscrire ses pas dans l’Histoire du tennis, il oriente ses choix en conséquence et a su tisser un lien fort et sans précédent avec le public, fait du même respect qu’il entretient avec ses pairs et adversaires. Etre un talentueux champion ne lui a pas évité des défaites mais il a toujours su rebondir.

Souvenons-nous de moments difficiles en 2008, 2010, et plus récemment en 2015, avec son élimination par Djokovic à Wimbledon. Qu’on se remémore en particulier l’année 2013 qui l’avait relégué au 7e rang ATP et exclu du «Big four». Roger Federer avait alors 32 ans. Évincé début 2013 par Novak Djokovic à l’Open de Melbourne, il avait ensuite subi une défaite cuisante à Gstaad, face à un joueur classé au-delà de la 50e place mondiale. Et à l’US Open en septembre, il avait été éliminé par Tomy Brodero, un joueur qui ne lui avait jamais posé problème.

Les commentateurs avaient alors fait sonner une fois de plus leurs trompettes alarmistes, prédit sa fin! Bien à tort. Car aucune contre-performance ne peut ternir l’éclat d’un joueur de la stature de Federer, ni sa place dans les annales du tennis. La légende retient déjà, parmi d’autres records battus par Federer, ses 302 semaines en tête du classement ATP – dont 237 consécutives, son cumul de 17 titres du Grand Chelem et l’exception d’avoir gagné 5 fois consécutivement l’US Open.

Crier au déclin et prédire son départ dénote une vision centrée sur le court terme, le résultat immédiat. C’est faire fi des valeurs du sport. C’est passer à côté de ce qui fait l’étoffe des champions. Gagner passe par le risque de perdre. Sinon quelle gloire y aurait-il à gagner? Le grand athlète est comme l’artiste d’exception: acceptant de se mettre à nu, généreux dans sa prise de risque et passionné.

La passion soutient les choix de l’athlète. La passion de se surpasser est déraisonnable, ne s’accommode pas d’une limite d’âge standard. Elle est un vouloir vital imprégné de foi. Et même quand le résultat n’est pas au rendez-vous, l’athlète gagne sur lui-même. Nadal en sait quelque chose, qui disait avec intuition de son rival en 2010, à Wimbledon: «Vous avez déjà tué Federer plusieurs fois, il ne faut pas de nouveau faire la même erreur». Et pourtant, bien des commentateurs ont continué de céder à la tentation d’annoncer la fin de Roger.

Accordons une fois pour toutes à cet athlète d’exception le droit d’écrire son Histoire, dont le tracé et le panache le placent déjà parmi les plus grands.

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