Le monde se réarme et se prépare à la guerre… mais à quelle guerre?


Pour le Conseil national du renseignement américain (NIC), les conflits changent de nature.

PAR FRANÇOIS MEYLAN

Plusieurs faits passent inaperçus. Regroupés, ils suscitent des interrogations. Le nouveau locataire de la Maison Blanche demande au Congrès d’augmenter de neuf pour cent les dépenses militaires et de sécurité nationale. Soit une hausse historique de 54 milliards de dollars. «Ce qui avec plus de 600 milliards de dollars par an signifie que les Etats-Unis dépensent autant que les neuf pays suivants cumulés», précise Frédéric Autran, correspondant à New York, pour le quotidien «Libération». De son côté, Pékin annonce augmenter son budget de la défense de quelque sept pour cent – à 192 milliards – pour 2017. Et la porte-parole de l’Assemblée nationale populaire, Madame Fu Ying, de rappeler que la Chine n’a jamais nui à aucun pays.

«Les budgets de la défense dans le monde ont déjà nettement gonflé en 2016 pour s’élever à 1570 milliards de dollars» nous apprend le média «Sputnik France». Et de préciser que, depuis 2014, les achats d’équipements militaires dans les pays baltes ont doublé et qu’ils devraient atteindre 2,1 milliards de dollars en 2020. Comme l’Asie, la région invoque une hypothétique menace russe. Pourtant, la Russie communique une baisse de son budget. C’est une première depuis les années 1990. Celui-ci passe de 51,8 à 48,4 milliards de dollars. La patrie de Poutine passe ainsi du quatrième au sixième rang mondial. Elle est devancée par l’Arabie saoudite – eh oui, la principale bailleuse de fonds de l’islam radical – et par l’Inde.

A noter que la France, malgré son gouvernement socialiste, dépensera dans le domaine autant, en 2017, que la Russie. Le budget de l’Hexagone est également en augmentation. Un autre fait marquant est le rétablissement de la conscription – le service militaire obligatoire – dans des pays qui l’avaient pourtant abandonnée. Tel est le cas de la Lituanie qui a fait “marche arrière” en 2015. Mais aussi de la Suède qui vient de rétablir le service obligatoire pour 2018. Après l’avoir abandonné en 2010. Demain, ce sera probablement le tour de la Pologne. Pour rappel: les Suisses se sont encore massivement prononcés, le 22 septembre 2013 par le biais des urnes, en faveur de son maintien. Manifestement, à juste raison.

Mais qu’en est-il de la menace réelle? Beaucoup mettent à l’index une Russie expansionniste. Elle viole les espaces aériens de la Suède et de la Finlande qui songent à adhérer à l’OTAN. Cette même Russie qui, après avoir annexé la Crimée en 2014, multiplie ses déploiements militaires en mer Baltique.

Toutefois, ils sont autant dans l’entourage du président Trump à se méfier de la Chine. En effet, la recrudescence des tensions en mer de Chine méridionale – point de passage de la moitié du commerce mondial et de l’approvisionnement en pétrole – ont déjà poussé des pays d’Asie-Pacifique comme le Japon et l’Australie à se réarmer en 2016.

Un des tout premiers rapports que Donald Trump a trouvés sur son bureau en prenant ses fonctions est celui rédigé par le Conseil national du renseignement américain (NIC): «Global trends: Paradox of progress», janvier 2017, qui imagine le monde de demain. Il prend en compte les études et avis de quelque 2500 analystes et consultants de trente-six pays. Trois scénarios sont retenus par la synthèse: un monde en proie au protectionnisme et à l’isolationnisme, un monde dominé par quelques grandes sphères d’influence et blocs régionaux, ou finalement un scénario mettant en avant la naissance d’un monde dans lequel les Etats auront moins de pouvoir contrairement aux entreprises, réseaux sociaux, obédiences religieuses et autres. Autant dire que dans ce cas le néolibéralisme ou le fondamentalisme religieux l’emporteraient. Ce qui expliquerait également le sentiment de vulnérabilité exprimé par le biais de la course aux armements.

Toujours selon le NIC, la diminution des conflits en nombre et en intensité au cours des vingt dernières années devrait s’inverser: «D’avantage d’acteurs seront en mesure d’employer un éventail plus vaste de moyens militaires et non militaires, brouillant les limites entre la guerre et la paix, et bouleversant les anciens critères d’escalade et de dissuasion. Les affrontements à venir s’appuieront sur la déstabilisation des infrastructures critiques, de la cohésion sociale et du fonctionnement du gouvernement, visant la domination psychologique et géopolitique plutôt que la défaite des forces ennemies sur le champ de bataille par des moyens militaires traditionnels.»

Plus intrigant encore: le rapport mentionne que les populations pourront être prises pour cibles dans le dessein de dresser les uns contre les autres des groupes ethniques, religieux et politiques. Perturber les liens sociétaux et la coexistence intérieure propres aux Etats. Nous voilà prévenus d’une telle dérive. L’objectif final étant toujours d’asseoir une logique de pouvoir.

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Un commentaire à “Le monde se réarme et se prépare à la guerre… mais à quelle guerre?”

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    Sima Dakkus Rassoul 10 mars 2017 at 12:11 #

    Bonjour François,
    Cet article est très intéressant. Les changements qui se préparent datent des deux trois dernières années. Mais comme nous ne savons ni ce qui se passe de proche, encore moins de lointain, nous ne voyons pas à quel point la géostratégie elle-même a changé de forme et de tactique.
    En observant les nouvelles afghanes – le pays est au centre de ces changements qui gardent une idéologie de profit immédiat et sur le dos des pays de la région – j’ai pu constater dans quel sens cela bouge.
    Deux certitudes, les guerres vont continuer là où il y a la volonté des puissances qu’elles continuent. Et donc, les vagues de violences qui sont envoyées sur les pays du monde nous reviennent comme un boomerang. Mais dans de plus faibles proportions que les morts quotidiens en Afghanistan et ailleurs.
    La fin de votre article montre à quel point la cote en bourse de la vie humaine a diminué, voire disparu.

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