Je m’appelle Rahmatollah, je suis Afghan et j’ai neuf ans


Je m’appelle Rahmatollah, je suis Afghan et j’ai neuf ans.

PAR SIMA DAKKUS RASSOUL

Je vis avec ma mère et ma petite sœur de deux ans. Mon père était soldat, il est mort lors d’un attentat suicide. Nous avons attendu son corps plus d’un mois, nous n’avons plus reçu sa solde. Nous habitions Balkh, au nord du pays, là où est né Maulana Jalaloddin Balkhi.

Je suis toxico-dépendant comme ma mère et ma sœur qui respirent la fumée tout le temps dans notre tente de fortune sous le pont à côté de la rivière Kaboul. On dit que nous sommes trois millions à être dépendants aux drogues. Nous avons quitté Balkh car ma mère espérait trouver un travail pour nous nourrir dans la capitale mais elle a dû abandonner cet espoir. Nous avons vécu quelque temps dans la rue. Je voudrais bien aller à l’école mais c’est mon devoir de travailler. Parfois je fais le porteur des sacs pour les commerçants, ce sont des poids trop lourds pour mes épaules. En fin de journée je peux au moins aider à nourrir ma famille. Le reste passe pour acheter nos doses quotidiennes. Je vais régulièrement à la mosquée et apprends à lire le Coran parfois. On nous aide, là-bas, si l’on ne trouve pas de travail.

L’autre jour une attaque a tué près de deux cents soldats d’une grande garnison 209 Chahine à Balkh pendant la pause pour la prière. Déguisés en soldats de l’armée afghane, les terroristes se sont introduits dans la place et ont franchi les barrières de sécurité. Le président actuel et l’ancien sont venus pour la cérémonie du deuil. J’ai trouvé qu’ils avaient l’air ennuyés, pas vraiment tristes. Nous, les dépendants, nous nous étions rassemblés et avons décidé d’aller à Balkh pour offrir aux familles des victimes une partie de notre argent destiné à notre dose de drogue. Nous l’avons fait, nous les fantômes de la grande ville, nous étions fiers de participer à ce chagrin.

Je voudrais que ma mère aille se faire soigner dans des établissements construits pour aider les femmes sous dépendance mais les places sont limitées et les personnes trop nombreuses. Pourtant il y a ici ou là des bâtiments destinés qui sont vides. Les portes claquent au vent, je me fais du souci pour ma petite soeur.

Cette nuit j’ai rêvé que je tenais un beau cerf-volant s’élevant vers le ciel turquoise foncé et je courais en riant je me suis retourné mon père me regardait et ma mère chantait et dansait plus loin…

Frères humains qui après nous vivez…

(Illustration avec l’autorisation écrite – en dari – de Shamsia Hassani, artiste afghane)

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2 commmentaires à “Je m’appelle Rahmatollah, je suis Afghan et j’ai neuf ans”

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    Laurette 28 avril 2017 at 11:09 #

    …impossible de faire un commentaire sensé…

    Alors, le “Frères humains qui après nous vivez…” de Serge Reggiani, musique et chant qui m’ont toujours impressionnés :
    https://www.youtube.com/watch?v=_69nDyRaiYs

  2. Avatar photo
    Sima Dakkus Rassoul 28 avril 2017 at 20:47 #

    Merci beaucoup de ce commentaire.
    J’ai eu le même sentiment en écrivant ce texte. Notre pensée est trop courte face à la situation de mon pays natal et l’indifférence qu’elle rencontre.
    Amitiés
    Sima

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