Le G7, c’est l’eurovision de la décision


L’Italie carbonise 14 millions d’euros dans un G7 destiné à montrer au monde entier qu’elle n’est pas un repaire de mafieux. En Sicile, théâtre de cette bouffonnerie politique, les autochtones cachent leur joie. Et sinon, le G7, ça donne quoi de concret? Au final?

PAR JOËL CERUTTI

Au micro d’un des 4000 journalistes dépêchés sur place, je te présente Turi Siligato, 53 ans, un restaurateurs italien contrarié. « Les touristes qui voient ça ne reviendront jamais. C’est inimaginable de démarrer des travaux de cette ampleur alors que la saison touristique est déjà largement entamée ! »Il ne rouspète pas pour le principe, Turi. Sa ville a pris le visage d’une starlette après une chirurgie salopée par un médecin parkinsonien. Ah, elle est belle, Taormina, jadis «le Saint-Tropez de la Sicile». «On dirait que la ville vient d’être bombardée, c’est de la folie!», continue Turi. Pour accueillir le G7 en grandes pompes, la ville s’est mis sur son pied de guerre, voire deux pieds, voire 14 000 ! Car, en plus des travaux dits « de restauration » qui ont semé des gravats partout, 7000 gugusses armés jusqu’aux dents se baladent en ville ou aux alentours.

Certains commerces, devant les chantiers, ont baissé rideau. Les mesures de sécurité contraignent les hôteliers, dont les établissements se situent en « zone sensible », d’annuler les réservations préalables. Depuis trois semaines, des bulldozers rasent, consolident, retapent en urgence. Ils ont même bâti un héliport destiné au seul hélicoptère de Donald (Trump)…

Avec 30 000 accréditations recensées, Taormina reçoit la mission de montrer au monde entier qu’elle n’abrite pas des nids de coucous mafieux.

Ordre de Matteo Renzi !

L’ex-président du Conseil des ministres italien gaspille une somme folle pour casser ce cliché. Normalement, ce G7 aurait dû se dérouler à Florence, en Toscane. Les oreilles de Matteo, en 2016 lors d’un sommet international, ont capté une « blague stupide » sur Italie « terre de mafia ». Plaf , le G7 déménage en Sicile avec 14 millions d’euros sur la table pour aller contre ce préjugé.

Aaaah, l’orgueil transalpin, ça douille et ça vide les bourses de l’Etat.

Le maire de Taormina, Eligio Giardina, concède être « l’homme le plus détesté » de sa ville. Il a collaboré à la venue des tireurs d’élite, des drones, des sept hélicoptères de secours, des dizaines d’ambulance, des 170 médecins, infirmiers et secouristes. L’hôpital de Taormina ne s’ouvrira d’ailleurs qu’aux cas urgents. Eligio espère qu’une fois les hostilités levées, les sourires reviendront. « Les travaux réalisés seront toujours là… » Pas sûr pour les touristes… Par contre, durant deux jours, se pointent les sept dirigeants des pays les plus riches de notre si pauvre monde. Plus une vingtaine de délégations…

Ce qui donnera quoi ?

Avant les papotages diplomatiques, les médias anticipent les désaccords (notamment sur le climat) et les points de convergence (la lutte contre le terrorisme). Ouaiiisss. Cela valait la peine de se taper des milliers de kilomètres pour entendre ça. D’ici peu, les grosses nuques regagneront leurs pénates et la situation initiale n’aura pas bougé d’une crotte de hamster. Quels que soient les déclarations communes lénifiantes ou les accords négociés, ils seront détricotés une fois soumis aux appréciations des chambres ou parlements dans chaque pays. A l’heure des conférences numériques, les dossiers pourraient sans nul doute se traiter à distance. Cela épargnerait de vains voyages polluants… et 14 millions d’euros. En ces temps de traque au gaspi, voilà des économies toutes trouvées !

Le G7, je ne peux m’empêcher de le comparer à l’Eurovision.

Je soupçonne certaines nations d’y envoyer stratégiquement des ringards. Que ça foire car elles n’ont pas les moyens – ni l’envie – d’organiser l’événement l’année suivante. Le G7 émet ce même genre de couac. A une autre échelle…

PJI

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Un commentaire à “Le G7, c’est l’eurovision de la décision”

  1. brigitte 28 mai 2017 at 17:17 #

    Excellent ! on pourrait même comparer tous ces G à des sorties pour le troisième âge
    Peut-être cherchent ils l’endroit exact ou se trouve le point G ! on est obligé de rire en sachant tous les frais occasionnés par ceux là mêmes qui n’ont que le mot économie en bouche
    Sans doute souffrent ils tous du syndrome de la bougeotte

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