Les oiseaux de Persépolis


Combien reste-t-il d’oiseaux à Lausanne après les festivités nocturnes du 1er août?

PAR CHRISTIAN CAMPICHE

Les hôtes des cinq étoiles lausannois ont certes pu lâcher moult «ah» et «oh» devant la coûteuse débauche d’effets visuels et auditifs. Véritable orgie pyrotechnique dont la faune ailée a été la victime. Depuis son balcon haut perché le soussigné a pu observer la fuite éperdue des volatiles quittant un havre boisé pour essayer d’en retrouver un autre. Vaine tentative.

Lausanne compte plusieurs parcs arborisés mais aussi autant d’aires de stationnement situées à proximité, offrant une plate-forme de tir hospitalière aux rampes de fusées. Pas de répit pour les animaux ailés. Une, deux, dix gerbes multicolores suivies d’explosions les faisaient repartir vers un improbable ailleurs de quiétude.

Je ne parle pas des autres bêtes qui ont subi le déferlement de feu et de bruit terrées dans un buisson ou prostrées au fond d’une salle de bain. Se poursuivant tard dans la nuit, Persépolis s’est déchaîné au mépris de la nature et parfois des personnes. Pour parvenir à s’endormir avant minuit, il fallait une sacrée dose d’abnégation patriotique.

On dit que les feux d’artifice ont été inventés par les Chinois. Je ne suis pas certain qu’il s’agisse de leur trouvaille la plus intelligente. Célébrer la fête nationale vaut-il surtout que l’on encourage un tel déluge de décibels? Les paisibles vésuves et poétiques lampions ne suffisent-ils plus à contenter le commun des Helvètes? Interrogation de quidam aux préoccupations héritées de générations de femmes et d’hommes attachées à la terre.

D’autant que quelques heures plus tôt, le même « Candide » découvrait les charmes rupestres d’un alpage du Pays-d’Enhaut délicatement offert aux amateurs de produits du terroir. Nul doute que les « brunchs » à la ferme offrent un cadre autrement plus propice à la fraternité, l’état d’esprit que l’on attend des réjouissances entourant la fête nationale.

La pulsion bruyante s’assimile à l’attitude d’un homme mal dans sa peau qui fait vrombir le moteur de sa décapotable. Ou bien à une manifestation de force dans un pays à l’histoire complexe et complexée. La Suisse est-elle de ceux-là?

Le 14 juillet commémore en France un événement sanglant, la prise de la Bastille. Le défilé martial des Champs Elysées tient à marquer la force d’un pays qui veut compter sur l’échiquier mondial. Le 1er août perpétue le souvenir d’un serment liant trois fondateurs d’un concept d’alliance défensive de micro-Etats au coeur de l’Europe. Cette vocation mérite-t-elle qu’on lui rende hommage par des symboles de faste et de puissance offensant l’équilibre de la nature et l’idéal de paix?

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3 commmentaires à “Les oiseaux de Persépolis”

  1. brigitte 3 août 2017 at 05:37 #

    On est toujours étonné de voir combien les habitants de cette ville aiment faire le contraire des nombreuses théories étayées par leurs semblables Universitaires ,Gymnasiens tous Vaudois
    Sans doute sont ils adeptes du faites ce qu’on vous dit et que nous ne ferons jamais !

  2. Heizmann 3 août 2017 at 10:33 #

    Bravo pour votre prise de position!
    Je me souviens des 1er août de mon enfance, où mes parents amusés, mais aussi avec une certaine fierté, me disaient que ce jour là, se devait d’être commémoré dans le travail et la joie…
    Nous étions alors le seul et unique pays au monde (information vérifiée), à ne pas chômer le jour de notre Fête nationale… Après la journée de labeur (des adultes), nous nous réunissions autour du feu de joie, que nous les enfants du quartier de Montbrillant-Vermont à Genève, avions préparé dans le parc du même nom, en allant chercher des cageots et caissettes en bois à la Coop et Migros voisines ; puis entourés de lampions aux motifs de soleil et armoiries fédérales, quelques allumettes de Bengale et Vésuves plus tard, heureux, nous allions nous coucher, bien avant minuit, le lendemain étant un nouveau jour.
    Par souci d’internationalisme et afin de se fondre dans le “concert” des nations, les forces progressistes nous ont amenés à décréter le 1er août férié, il y a maintenant 23 ans…
    Voilà même que par souci de confort, des communes organisent cet événement le 31 juillet, afin de permettre de faire la grâce matinée le lendemain… jour férié!
    La mode des feux artifices offerts par les collectivités est apparue également au début des années 2000, sur le modèle français… L’esprit qui animait les acteur-trice-s de ces premiers Août de mon enfance, citoyen-ne-s suisses, mais aussi étranger-ère-s présent-e-s autour du feu, à définitivement disparu, comme nombre d’entre eux…

  3. Martin de Waziers 4 août 2017 at 05:35 #

    Si je ne peux qu’acquiescer sur le principe environnemental, il faut rappeler que le feu d’artifice est symbole de joie, en témoignent les spectateurs ébahis et heureux! Et, même si la France en a été un des premiers utilisateurs dans ses fêtes, c’est la monarchie qui a lancé la mode au 17ème s. quand Louis XIII et Anne d’Autriche se sont mariés… Comble de l’ironie, le peuple s’est accaparé ce mode royal de divertissement à la fête de la Fédération du 14/7/1990 et en a conservé l’utilisation, pourquoi? Parce que c’est un jeu de lumière où tous peuvent participer, de façon uni et intégré, en permettant aux plus démunis de se distraire aussi: panem et circenses!

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