Lettre à un ami lecteur – L’affaire Neymar ou ce foot qui rend fou


Depuis l’heure et le temps que je mesure le temps, à force de vivre, je voyais bien que le monde du foot marchait de plus en plus sur la tête. Mais qu’il se rende fou à ce point…

PAR PIERRE ROTTET

Même Macron, qui descend dans les sondages à la vitesse grand V, s’est emparé de la Neymarmania en saluant l’arrivée de ce footeux présenté samedi dernier à Paris sous les projecteurs de médias cocoricos qui faisaient peine à voir tant leurs exagérations étaient emplies du chauvinisme qui leur sied. Comme si le monde commençait et s’arrêtait dans un stade de foot. Fût-il parisien.

Comme si Macron n’avait lui non plus pas d’autres choses à saluer. Sur lesquelles se pencher, les chômeurs de son pays, par exemple. Ou les pauvres smicards français.  Avec leurs revenus rikiki. En comparaison du salaire annuel du bonhomme, ces travailleurs devraient trimer à peu près 2200 ans pour y parvenir. Vous avez dit indécent? Fou? Indignant à n’en pas douter. Dans le même temps ou presque, un jeune joueur ghanéen était transféré contre 10 litres d’huile. D’olives, d’accord. Encore heureux!

Je laisse ici les chiffres et les millions qui entourent le truc Neymar. Sur le trafic et cette odieuse mise en scène manipulée par les huiles, les huiles du monde véreux de la planète foot. Tu les connais, ces chiffres. Le fisc français aussi, qui s’en frotte d’ores et déjà les mains. En ces temps de disette…

Le foot? Tu l’as compris, je veux parler de celui dont le business s’est emparé. De celui qui rend fou, y compris les médias sans pudeur et sans mesure. Qui à leur tour rendent cinglés des milliers de supporters du PSG, dans le cas présent, tout acquis à ce club. A condition qu’il gagne. Sous peine de rendre fous-furieux les fanas.

Pour l’heure, ils sont tout à la joie, ces dizaines de milliers de jeunes, les gogos de service qui s’en viendront dépenser leurs sous pour acquérir les gadgets mis sur le marché par les faiseurs de faux rêves. Par les faiseurs de vrai fric, en bons bâtisseurs de fortunes. Ces gogos de service, disais-je, qui n’ont pour horizon que les résultats de l’équipe. Celle du PSG ou d’une autre. En France ou ailleurs dans le monde, construite à coups de centaines de centaines de millions. Pour amuser la galerie des gradins des stades du monde. Fournir un peu d’opium au bon peuple. Ou de violence en cas de non affinité… De déceptions. Déjà que la vie de tous les jours n’est pas toujours tendre avec eux…

L’arrivée d’un Neymar à Paris et le battage consenti autour de ce transfert arrivent à point nommé dans un climat français morose. Pendant qu’un Neymar sera à jouer sur un terrain, c’est autant de public et de jeunes qui ne descendront pas dans la rue pour d’éventuelles manifs.

Encore faut-il avoir les moyens d’aller au bout de son rêve. Et là, je crains que le fric n’y puisse rien. Comme il n’y pourra rien lorsque grondera la révolte. Surtout dans les rangs de supporters inconditionnels, violents voire hooligans. Cela c’est vu. N’est-ce pas? Et pour bien moins en comparaison de l’enjeu aujourd’hui dans le foot français. Jeu? Tiens voilà un mot étrange à prononcer.

Tu me diras que je mets en couleurs le diable sur la muraille. Imagine seulement quelques revers du PSG et de sa millionnaire vedette, contre laquelle je n’ai rien, dit en passant. Des revers qui ne manqueront pas de survenir, un jour ou l’autre. Fatalement, non? J’en arrive, oui, et je sais que tu penses comme moi, et avec nous des millions de Français attachés à leurs équipes de banlieues, de Marseilles à Nantes, de Strasbourg à Bordeaux en passant par Amiens. J’en arrive, disais-je, à le souhaiter. Ce revers. Cette «Quatarstrophe».

A la rigueur, les seuls qui se frotteront les mains pourraient bien être les présidents de ces petits clubs de banlieue, avec l’arrivée au stade de ce joueur brésilien, qui fera sans doute accourir quelques spectateurs supplémentaires. Comme moi, comme toi, eux aussi rêveront d’un échec de ce PSG-là. Pas pour le club qu’il est. Non, pas pour cela. Simplement parce que, ce faisant, le PSG vient de faire ce pas supplémentaire qui un jour tuera ce sport.

Il est vrai que des instances comme la FIFA, l’UEFA ou le CIO s’y entendent,  dans d’exorbitantes surenchères, pour tuer peu à peu le foot et avec lui d’autres sports. Comme par exemple aussi les réseaux de chaînes de télévisions. Qui s’arrachent à coups de millionnaires billets la diffusion des grandes compétitions internationales. De foot ou autres. Faux rêves sur le dos des gogos. Illusions, du vent!

Tags: , , , , ,

Laisser un commentaire

Les commentaires sous pseudonyme ne seront pas acceptés sur la Méduse, veuillez utiliser votre vrai nom.

Mentions légales - Autorenrechte

Les droits d'utilisation des textes sur www.lameduse.ch restent propriété des auteurs, à moins qu'il n'en soit fait mention autrement. Les textes ne peuvent pas être copiés ou utilisés à des fins commerciales sans l'assentiment des auteurs.

Die Autorenrechte an den Texten auf www.lameduse.ch liegen bei den Autoren, falls dies nicht anders vermerkt ist. Die Texte dûrfen ohne die ausdrûckliche Zustimmung der Autoren nicht kopiert oder fûr kommerzielle Zwecke gebraucht werden.