Gazprom n’a pas trop à craindre de la fusion des groupes GDF et Suez


PROPOS RECUEILLIS PAR CHRISTIAN CAMPICHE

Eric Defago, vous êtes président et administrateur-délégué de Gaznat, société qui gère l’approvisionnement et le transport du gaz naturel en Suisse romande. Quelle a été votre réaction après la fusion de GDF et de Suez?

J’ai trouvé que cette fusion était assez logique. On observe depuis quelques années une concentration des industries électrique et du gaz, qui répond à l’importance croissante des groupes énergétiques situés en amont, tels que le russe Gazprom et l’algérien Sonatrach. En Allemagne, par exemple, EON a racheté Ruhrgas. Le même groupe a des velléités en Espagne. En France, on savait que GDF cherchait à se renforcer, même si l’on parlait depuis longtemps plutôt d’une fusion avec Electricité de France. Ce projet avait la faveur des syndicats mais Bruxelles aurait mis son veto.

On a dit du nouveau géant qu’il pourrait devenir un important concurrent de Gazprom, la tire-lire de l’Etat russe. Vous partagez cet avis?

Pas vraiment, non, parce que les deux entités ne sont pas sur le même segment. Gazprom ne cache pas qu’il souhaite se développer aussi en aval, mais il reste essentiellement un producteur.

Les tensions géopolitiques comme celle, récente, entre la Russie et l’Ukraine, par laquelle transitent les trois-quart du gaz russe, ne sont pas un facteur d’inquiétude, pour vous?

Dans l’affaire que vous citez, c’est l’Ukraine qui a prélevé le gaz destiné à l’Ouest. Pour ma part, je n’ai jamais craint que Moscou coupe le gaz à l’Europe. La Russie a été traditionnellement un fournisseur fiable. Elle n’a jamais utilisé politiquement le gaz pour faire pression sur l’Europe. Il est arrivé certes qu’il y ait des retards dus à des problèmes techniques mais la raison tient au climat hostile qui prévaut dans les régions éloignées où le gaz est produit.

La création de GDF Suez aura-t-elle une incidence sur le prix du gaz en Suisse?

Actuellement, 30% du gaz importé en Suisse est livré par Gaznat. Il s’agit de gaz néerlandais, norvégien, algérien et russe. La plus grande partie est absorbée par les industries qui disposent également de stocks de mazout pour faire face aux impondérables d’ordre climatique ou autre. Pour répondre à votre question, la Suisse ne doit pas redouter des augmentations de prix du fait de la fusion car les contrats sont négociés à long terme. De plus, la concurrence entre fournisseurs va se maintenir.

Dans quel sens?

Par une volonté de se diversifier dans le gaz naturel liquéfié où GDF et Suez sont déjà deux acteurs importants. GDF a, par exemple, les deux plus gros méthaniers au monde. Quant à Suez, il dispose de terminaux en Amérique du nord. Ensemble, ils seront à même de développer de nouveaux projets pour amener le gaz en Europe. Toujours dans ce domaine du gaz naturel liquéfié, GDF Suez jouera également un rôle de premier ordre en matière au chapitre de l’arbitrage international. Il aura plus de poids pour discuter face à Gazprom.

Interview parue dans “La Liberté” du 14 septembre 2007

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