Quand le débat sur les éoliennes sert une vision égocentrique*


 

Le professeur Püttgen était en quelque sorte la vedette de la soirée organisée par Eoljoux au Brassus le 10 décembre 2008. Soirée qui aux yeux de tous fut certainement une grande réussite. Il faut dire que M. Püttgen est un homme au palmarès professionnel et scientifique impressionnant, doublé d’un excellent orateur. Les éventuelles voix dissonantes dans ce concert très optimiste n’ont pas eu beaucoup d’espace pour se faire valoir.

Ces voix ont été en fait au nombre de deux. L’une pour relever que le projet d’Eoljoux prévoit une implantation d’éoliennes dans des sites portés à l’IFP ( Inventaire Fédéral des Paysages, donc, sites d’importance nationale). Et que de tels sites sont respectés dans d’autres cantons romands, donc que l’on n’y construit pas d’éolienne.

Ce à quoi M. Püttgen a répondu en substance que cet intervenant devrait bien savoir que nous sommes à l’époque de la mondialisation et que s’arrêter à des détails de ce genre participe d’une mentalité dépassée.

Vient alors une intervenante suggérant qu’on pourrait faire attention à la question des économies d’énergie.

Et M. Püttgen de lui répondre: « Il faut d’abord commencer par faire ses économies chez soi. Moi, dans ma villa à Lutry, je consomme moins d’énergie qu’avant, et ça marche ».

 

Je traduis ces réponses par : la mondialisation arrive à point nommé quand elle arrange ce professeur et elle disparaît quand elle ne l’arrange plus.

M. Rollier, chef du SEVEN (service de l’énergie et de l’environnement dans le canton de Vaud), apporte sa petite touche au débat sur la mondialisation en parlant d’un concept qu’il a inventé, celui du Far West. Cela signifie que toutes sortes de promoteurs sont prêts à fondre sur tout ce qu’ils trouvent pour y machiner des projets. Drôle de mondialisation !

Ceci dit, le message que j’ai compris de cette soirée est le suivant: Nous vivons dans un monde idyllique, et les éoliennes vont encore en rajouter à notre bonheur.

Hélas, tout ceci est fort loin de la réalité. Cette vision est une vision à court terme et essentiellement égocentrique. Plus d’un milliard de gens sont sous-alimentés. Il y a des gens chez nous qui pensent que ça ne les concerne pas, puisqu’ils ne sentent rien. Les banques sont en déroute, et les jongleurs de milliards doivent se faire sauver par les fonds publics, donc par ce qui appartient à tous ceux qui font partie de la collectivité, et qui n’ont rien à voir avec ces spéculations monstrueuses. Un tiers des espèces sont menacées sur Terre. Les glaciers fondent. Sans compter les guerres et les mines semées aux quatre coins du globe.

C’est ça, la mondialisation. C’est cela que l’Humanité a à affronter de façon raisonnable.

Revenons à nos éoliennes. Je vois quatre aspects du problème qui n’ont pas été traités sérieusement lors de cette soirée.

A l’heure de la mondialisation, la question énergétique est une question de dimension mondiale. Voir cela sous l’angle « Vallée de Joux » est absurde. Au niveau suisse, c’est à l’échelle nationale qu’il convient d’examiner l’ensemble de cette question, d’élaborer une politique nationale, en lien bien sûr avec les autres pays, et d’en finir avec le Far West.

Aucune déclaration forte, qui engage un responsable de ce genre de projet, n’a été faite à propos de la relation entre éoliennes et nucléaire. Si on veut consteller le paysage d’éoliennes ajoutées à une constellation de centrales nucléaires, alors non merci.

Le troisième point est évidemment lié au deuxième. C’est la question des économies. Le problème dépasse la dimension de la villa de M. Püttgen. Si construire des éoliennes c’est donner le feu vert à une débauche supplémentaire de gaspillage d’énergie, alors non merci.

 

Un des graphiques présentés au Brassus montre que la consommation en énergie pour l’industrie et les ménages est aujourd’hui six fois plus grande qu’en 1950. Personne ne pourra me convaincre que les gens étaient plus malheureux à cette époque qu’aujourd’hui et qu’on est obligé d’avoir à disposition une quantité illimitée de provisions énergétiques pour construire une société heureuse qui n’existe pas, quoi qu’on veuille nous faire croire.

Il y a enfin un point annexe que pudiquement on n’aborde qu’avec des pincettes. C’est les sous. Le pognon. Le fric. Les créneaux des très bonnes affaires se rétrécissent. Les éoliennes pourraient bien être un bon filon. (Voir le concept du Far West évoqué ce-dessus). Si construire des éoliennes revient à enrichir des gens qui ne se préoccupent pas de l’essentiel de la question, alors non merci.

Un des intervenants officiels a eu le mot de la fin: « De toute façon, avec les éoliennes, c’est simple. Si on n’en veut plus, on dévisse, et il n’en reste plus rien qui puisse déranger. » S’il dit vrai, ceci est évidemment de nature à atténuer certaines inquiétudes.

*Article paru dans la Feuille d’avis de la Vallée de Joux le 18 décembre 2008

 

 

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Un commentaire à “Quand le débat sur les éoliennes sert une vision égocentrique*”

  1. Aymon Benoit 16 février 2009 at 10:28 #

    Bonjour,

    Je suis heureux de constater que tout le monde ne fonce pas tête baissée dans la mode chimérique des éoliennes!

    Je défends exactement le même point de vue dans mon dernier livre (15 ans de Passe-Moi les Jumelles, Regard en coin, ed Slatkine)

    Continuez à être vigilant!

    cordialement

    B. Aymon.

    P.S. Il ne suffira pas de “dévisser” des éoliennes pour effaccer leur impact sur le paysage: la construction d’éoliennes est obligatoirement liée à la construction de routes d’accès qui laissent des traces indélébiles!

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