Enjeux électriques


Deux ou trois choses qu’il faut rappeler pour comprendre le débat sur la production, le transport, la distribution et l’utilisation de l’énergie électrique.

Des réalités physiques
L’électricité produite doit en principe être consommée immédiatement sauf s’il est possible de la stocker durablement. Cette réalité physique a des conséquences notamment et tout d’abord au niveau de la production et de l’éventuelle mise en réserve de ce type d’énergie et enfin au niveau de sa distribution.

Certains types de production électrique, comme par exemple l’éolien et le solaire, dépendent de facteurs externes aléatoires. Ces productions sont soumises à des variations qui ne peuvent pas être totalement maîtrisées. Dans d’autres installations, comme celles du nucléaire, il n’est pas possible de modifier rapidement, et en souplesse, la production. En situation d’exploitation normale, il n’est même pas possible d’arrêter totalement la production pour tenir compte d’une chute importante de la demande (on parle ici de production en bande).

En revanche l’énergie hydraulique provenant des grands barrages alpins s’adapte assez facilement aux besoins. On peut «fermer le robinet» et ainsi obtenir non un stockage de l’énergie proprement dit mais un moyen de produire ultérieurement celle-ci, à la demande.

L’ajustement continuel de la production
Le besoin global en énergie électrique varie proportionnellement peu dans le temps (si on laisse de côté la croissance annuelle régulière), sauf par exemple pendant la nuit en été et durant de cours laps de temps dans la journée (les heures de pointe du matin, de midi et de début de soirée). Les différents producteurs et surtout les distributeurs d’énergie électrique s’organisent donc pour répondre à la demande du moment en combinant l’électricité en bande avec les énergies plus variables fournies en particulier par le vent ou le soleil et, si nécessaire, en faisant appel aux réserves stockées dans les barrages alpins. Cette présentation schématique du mode de gestion de la production électrique ne doit cependant pas occulter le fait que tout est régulé, sans état d’âme, par la loi économique de l’offre et de la demande. Les distributeurs (acheteurs) de cette énergie et revendeurs de celle-ci au client final ne sont pas des philanthropes.

Ce préambule éclaire les enjeux de l’abandon du nucléaire décidé aujourd’hui en Suisse (et en Allemagne). Dans notre pays, il faudra trouver des ressources nouvelles d’énergie électrique qui se substitueront progressivement à celle produite par les centrales nucléaires. Les recherches vont devoir s’intensifier d’une part pour réaliser des économies substantielles dans la consommation tant des particuliers que des entreprises et d’autre part surtout pour étendre la part des énergies renouvelables. Car l’intensification d’un recours à des énergies fossiles (pétrole, gaz et charbon) entrainerait une péjoration du climat.

Le consommateur-producteur?
Mais voyons maintenant brièvement le problème sous un autre angle. Les installations de production électrique de masse sous toutes ses formes (et même à certains égard celles générant de l’énergie éolienne), ainsi que les différents réseaux de distribution de cette énergie jusqu’aux consommateurs sont pour l’essentiel entre les mains de grand groupes économiques. Le fait qu’en Suisse les actionnaires des sociétés propriétaires de ces installations sont pour beaucoup des collectivités publiques (cantonales et communales) ne change rien à la logique qui préside aujourd’hui à la gestion du système. Cette concentration des moyens de production et de distribution, outre qu’elle rend les consommateurs captifs, génère des plus-values non négligeables dont bénéficient ces grandes sociétés. Quelle belle rente de situation, non?

Faut-il dès lors s’étonner de voir le peu d’empressement des pouvoirs publics et du monde économique à favoriser la recherche dans la production électrique par capteurs photovoltaïques, des capteurs qui pourraient garnir par exemple de nombreux toits d’immeubles? Faut-il chercher pourquoi les compagnies électriques mettent souvent beaucoup de mauvaise volonté à racheter à un prix correct et à injecter dans leur réseau l’électricité produite par des particuliers? Faut-il se demander pourquoi les pouvoirs publics et les milieux industriels de la branche n’investissent-ils pas plus massivement dans la recherche d’autres technologies de production et dans l’étude de solutions performantes autant qu’économique de stockage de l’énergie électrique?

Vous imaginez? Des consommateurs qui deviendraient des producteurs décentralisés bénéficiant d’une certaine autonomie et qui échapperaient de ce fait, au moins partiellement, au monopole électrique!

Article paru dans “Courant d’Idées

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