Cocorico, la Suisse est la meilleure, sachons-le!


Burkhalter boude l’EEE en invoquant l’«éclatant» succès économique de la Suisse. Tout va bien, Madame la Marquise.

PAR CHRISTIAN CAMPICHE

Ainsi donc, guère plus d’un Suisse ou d’une Suissesse sur trois voterait en faveur de l’Espace économique européen (EEE), si l’exercice était à refaire. Mieux, ou plutôt pire, les Romands, qui furent huit sur dix à plebisciter l’EEE en 1992, bouderaient le dossier, affirme un sondage publié le 25 novembre 2012 dans la presse dominicale.

Les «spin doctors» qui règnent en maître à Berne font bien leur boulot. Une majorité de la population aurait-elle pu confondre l’EEE avec l’UE, l’Union européenne? Peccadilles! L’important est que le message ne nuise pas à Didier Burkhalter qui a fait des Bilatérales l’objectif numéro un de son mandat aux Affaires étrangères. Selon un nouveau sondage réalisé cette fois pour le compte de la SSR, 62% des sondés estiment que l’adoption des accords bilatéraux en 2000 était la bonne solution. Hasard?, le président du PDC Christophe Darbellay relançait la veille l’idée d’une votation sur l’EEE…

Les résultats de ces consultations par échantillonnage servent aussi Christoph Blocher. Ce dernier, on l’a vu, a construit sa carrière politique sur l’opposition à Bruxelles. Le ténor UDC pourrait encore nourrir des espoirs à l’heure où son étoile  pâtit des déconfitures de certains de ses lieutenants. Blocher souhaiterait un vote sur l’Union européenne dans l’espoir évident que la population cautionnera son fonds de commerce. La droite nationaliste a encore de beaux jours devant elle.

Etonnante, en revanche, est la complaisance avec laquelle les médias romands relaient cette stratégie. Seule la «Liberté» prend le contrepied de la pensée unique en évoquant les limites des Bilatérales. Dans leur édition du 1er décembre, plusieurs quotidiens accordent une large tribune à Christoph Blocher. Ce dernier blablate sur l’après-1992, à la manière d’un visionnaire qui aurait eu raison sur toute la ligne. Les questions qui lui sont adressées manquent remarquablement de sens critique.

Personne ne demande à Blocher, par exemple, ce qu’il pense du crash de Swissair. N’est-il pas prouvé que les difficultés de Swissair ont commencé le jour où ce symbole helvétique a été boycotté sur le hub de Bruxelles? Si la Suisse n’a plus de compagnie aérienne, n’est-ce pas en grande partie au refus de l’EEE qu’il faut l’imputer?

La RTS ne se signale pas par un meilleur discernement. Sur le plateau du téléjournal romand de 20 heures, le commentateur politique compare sans la moindre gêne la belle Suisse à ses pouilleux de voisins. Regardez l’Europe, partout ne règnent que misère et violence. Ici tout n’est qu’ordre et propreté. Le chômage est insignifiant. Pourquoi voulez-vous, dans ces conditions, que les Suisses plebiscitent l’EEE?

Le discours officiel trouve peu de contradicteurs, c’est regrettable, pour ne pas dire inquiétant. Pardon? Un million de personnes vivraient en dessous du seuil de pauvreté en Suisse? Pardon? L’opulente Norvège est membre de l’EEE? Mais de quoi parlez-vous, mon cher? Suivez les conseils de notre bon ministre qui croit dur comme fer au nœud gordien des Bilatérales, l’unique voie qui explique le succès «éclatant» de la Suisse en matière économique, Burckhalter dixit.

Un succès tellement «éclatant» que la Suisse a perdu son indépendance aérienne et bancaire, deux fleurons de son économie. Aux mains de Singapour et du Qatar, UBS et Credit Suisse mangent dans la main du fisc américain. La clientèle russe et azérie a pignon sur rue à Genève. Les gens ne trouvent plus à se loger à des prix décents. L’immobilier est la convoitise d’intérêts mafieux. La place bancaire suisse perd des emplois par milliers. Imposable à merci, la classe moyenne disparaît, mais tout va bien, Madame la Marquise.

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2 commmentaires à “Cocorico, la Suisse est la meilleure, sachons-le!”

  1. Ian Hamel 2 décembre 2012 at 09:37 #

    Tout à fait d’accord avec cet article. Ce qui est le plus grave, c’est le caractère moutonnier de la presse, à quelques rares exceptions. Tous les médias tirent dans le même sens et ne font que se répéter. Un peu comme à Paris, où de droite à gauche, il était de bon ton de cracher sur Nicolas Sarkozy jusqu’aux élections présidentielles. Et quinze jours plus tard, la presque totalité des journaux considérait que François Hollande était nul. Après, on s’étonne que les lecteurs abandonnent les médias…
    Ian Hamel

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    Irène 29 décembre 2012 at 15:03 #

    Tellement juste et désespérant.

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