Ecopop, ni «éco», ni «pop»


La récupération de l’écologie a le vent en poupe.

PAR MATHIEU GLAYRE, MIRKO LOCATELLI ET YVAN LUCCARINI

On connaissait le greenwashing, cette technique de marketing à laquelle ont recours entreprises et gouvernements pour se donner une image «verte». Un coup de peinture aux logos, quelques arbres plantés pour compenser sa consommation de carbone, une éolienne par-ci, par-là et des discours parsemés de l’adjectif «durable» pour rehausser le tout: une opération dont la mauvaise foi est si patente qu’elle en devient presque attendrissante.

Mais ces temps, l’oscar pour l’usage impropre du mot «écologie» revient sans doute à Ecopop, pour avoir réussi un double amalgame – malthusianisme de bistrot + xénophobie à peine voilée – aux allures d’exploit. Pour les heureux et heureuses qui ne seraient pas encore au courant du texte de l’initiative «Halte à la surpopulation – oui à la préservation durable des ressources naturelles», voici un résumé express: 1. Nous épuisons trop de ressources, car nous sommes trop nombreux; 2. Nous sommes trop nombreux, car il y a trop de migrants; 3. Limitons donc leur nombre, parce qu’ils font pression sur notre solde démographique; 4. «Restez chez vous, migrants!», et nous affecterons 10% de l’aide au développement à vos plannings familiaux.

Une logique implacable, mais qui n’a rien de bien original. «Notre mode de vie n’est pas négociable!», s’exclamait déjà George Bush Sr. En insistant sur l’indémodable leitmotiv de «la barque est pleine», Ecopop s’inscrit dans la droite ligne du ô combien regretté président américain, mais aussi des acolytes de James Schwarzenbach et de leurs initiatives dans les années ’70.

Contrairement à ce que l’on répète toujours, la question démographique n’est pas un tabou: elle est simplement secondaire par rapport à celle concernant nos modes de vie. Aussi longtemps que notre système consumériste continuera d’encourager la possession de plusieurs voitures, plusieurs résidences, plusieurs gadgets technologiques, de quel droit peut-on vouloir dissuader quelqu’un d’avoir plusieurs enfants? Comment ne pas être écœuré par les relents colonialistes d’une initiative qui, en dernière instance, fait porter la responsabilité de la crise écologique aux habitants des pays du Sud, qui la subissent tous les jours et qui continuent d’être proies du saccage des ressources nécessaires au maintien de notre prétendue qualité de vie?

La décroissance que nous prônons n’est pas une décroissance démographique, mais avant tout économique. La seule politique migratoire digne d’un pays qui se targue d’une tradition humanitaire, c’est une politique qui se donne pour objectifs d’abord de réduire, ensuite d’éliminer les inégalités sociales qui ravagent la planète. Cela ne se produira pas à coup de développement, en faisant miroiter au Sud un mode de vie insoutenable, mais en renouant avec l’acception de l’écologie que nous affectionnons, celle qui désigne la capacité d’une collectivité à autolimiter ses besoins en termes de biens de consommation matériels. Lorsque nous aurons mis un terme à la soif de profit et à la démesure d’un système que rien n’arrête, il n’y aura plus besoin de Frambois ni de barbelés aux frontières.

Article paru dans «Moins», No 3, janvier-février 2013

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