Espagne, un air de «Tangentopoli»


L’affaire Bárcenas a éclaté en Espagne il y a deux semaines produisant un scandale lié à la corruption et une importante crise politique qui touche aujourd’hui le chef du gouvernement Mariano Rajoy.

PAR DAVID MARIN

Des documents publiés par «El País» ont éveillé le soupçon que Mariano Rajoy aurait reçu pendant onze ans 25’200 euros non déclarés par année en supplément de ses rétributions officielles. Mariano Rajoy a nié publiquement ces accusations lors de la réunion extraordinaire du Comité du Parti Populaire, le 2 février 2013, interdisant toutefois aux journalistes de poser des questions. Prudent lors des jours passés, Alfredo Pérez Rubalcaba, secrétaire du Parti socialiste et leader de l’opposition, a demandé dans la foulée la démission de Mariano Rajoy.

L’actuelle situation en Espagne n’est pas sans rappeler l’Italie d’il y a vingt ans et la crise politique, ainsi qu’institutionnelle, provoquée par «Mani Pulite», un ensemble d’enquêtes du Parquet de Milan, qui avait dévoilé un vaste système de corruption et de financement illicite des partis, baptisé «Tangentopoli», qui a ravagé surtout le Parti socialiste et la Démocratie chrétienne. L’histoire récente de l’Italie et l’échiquier politique italien en ont été transformés radicalement.

«Mani Pulite» commence le 17 février 1992 quand Mario Chiesa, un homme du Parti socialiste, est arrêté en flagrant délit: il est en train d’empocher une enveloppe de 7 millions de lires délivrée par un entrepreneur. Il s’agit d’une commission suite à un appel d’offres que ce dernier a remporté. L’arrestation fait la une des journaux et Bettino Craxi, secrétaire du Parti socialiste, minimise en disant que Mario Chiesa n’est un «mariolo», un filou isolé. Sauf que Mario Chiesa n’est pas un simple filou, mais un homme qui avant son arrestation envisageait de devenir maire de Milan et qui – surtout – connaît parfaitement le système de corruption touchant le Parti socialiste et ses dirigeants. D’ailleurs lors de sa détention provisoire, Mario Chiesa parle, balançant beaucoup de choses aux magistrats du Parquet de Milan, dont Antonio di Pietro.

D’abord hautain et distant, Bettino Craxi est contraint à admettre l’existence du financement illégal des partis lors d’un célèbre discours au Parlement italien, le 3 juillet 1992. Le reste de l’histoire est connu. Plombés par «Tangentopoli» le Parti socialiste et la Démocratie chrétienne s’effritent, le gouvernement issu des élections d’avril 1992, dirigé par le PS et la DC, tombe. En plus d’être immergée dans «Tangentopoli», l’Italie affronte une énorme crise monétaire et économique. Ce sont deux gouvernements techniques qui mènent l’Italie aux élections de mars 1994 gagnées, à la surprise générale, par Silvio Berlusconi. A la suite de cela Bettino Craxi, poursuivi par la justice italienne à la suite de «Tangentopoli», fuira à Hammamet, en Tunisie.

Aujourd’hui le futur proche qui attend l’Espagne ne sera sûrement pas identique à l’Italie des années ’90, mais le scandale et l’instabilité provoqués par l’affaire Bárcenas, les soupçons impliquant Mariano Rajoy et la manière du chef du gouvernement espagnol de les nier nous obligent à revenir avec attention sur l’Italie et son récent passé.

Article paru dans “Un ristretto!

 

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2 commmentaires à “Espagne, un air de «Tangentopoli»”

  1. Carol Haefliger 4 février 2013 at 14:18 #

    Le problème, c’est que ce n’est pas la première fois qu’éclate un scandale ces dernières années (voire mois) en Espagne (l’affaire Gurtel, la destitution du juge Garzón). Les autorités s’en moquent insolemment… Ils trouveront certainement une façon de justifier la corruption du PP en attaquant, une fois encore, la Gauche d’en être responsable.

  2. geneviève delaunay 6 février 2013 at 15:35 #

    … L’Espagne ?,, A peine démocratique, la voici qui tombe et retombe dans certains travers qui ne laissent présager : RIEN DE BON. Pour elle d’abord et pour l’Europe entière.

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