Education et instruction


Une scène du film «Monsieur Lazhar» m’a frappé.

PAR JEAN-CLAUDE CREVOISIER

Le père, accompagné de la mère, d’un élève de Monsieur Lazhar affirme à ce dernier que l’éducation appartient à la famille et que l’école doit se limiter à assurer l’instruction.

Dans ce propos, l’éducation se définit schématiquement comme l’apprentissage d’un savoir-vivre et l’instruction principalement comme la transmission de connaissances. L’histoire du film «Monsieur Lazhar», du réalisateur Philippe Falardeau, est située au Québec, mais le débat est universel sur les rôles respectifs de la famille et des institutions d’encadrement des enfants que sont notamment les crèches et les écoles. La votation du 3 mars 2013 sur la politique familiale de la Confédération en témoigne. L’UDC, dont on connaît la vision réductrice de la société, évoque le risque d’une «étatisation des bébés» si la Suisse en venait notamment à favoriser concrètement la création de crèches. Pas moins!

À vouloir cantonner la famille d’une part et l’école ainsi que les crèches d’autre part dans des rôles exclusifs, on passe à côté tant des problèmes que des solutions. Sans même évoquer le cas des parents démissionnaires (ça existe malheureusement), la famille n’a de loin plus le monopole de la fonction éducatrice. Combien d’enseignants pourraient témoigner du déficit d’éducation de certains élèves à l’entrée à l’école. Et il ne s’agit pas seulement ici d’enfants issus de familles dites défavorisées ou allophones. L’école a, de tout temps je crois, dû faire œuvre éducatrice ne serait-ce que pour tenter d’éliminer des grossièretés de langage, des violences physiques et verbales, en un mot des incivilités de toutes natures.

Par ailleurs, la famille peut également être un vecteur d’instruction. Le «b-a-ba» des bases du catéchisme s’acquiert avec la mère, mais moins souvent avec le père, dans une famille portée sur une religion. Les conversations autour de la table familiale livrent aux enfants des informations, pas toujours neutres et certainement peu structurées, non seulement sur les événements du monde et du pays mais aussi sur l’environnement… et sur les voisins.

Pour ne prendre que ces deux partenaires, la famille et l’école on le voit, ont des rôles complémentaires qui se superposent partiellement. L’école est actuellement amenée assez souvent à combler des déficits d’éducation et la famille est, peut-être sans le savoir et sans l’assumer pleinement, source de connaissances, quelquefois partielles voire partiales.

Mais aujourd’hui, les intervenants dans l’environnement des enfants se sont multipliés. Mentionnons à titre d’exemple les médias surtout audio-visuels, la publicité omniprésente et savamment ciblée qui influence fortement les demandes de consommation des enfants, les bandes de copains (qui sont de moins en moins intégrées et encadrées dans des mouvements de jeunesse comme les scouts), Internet et les médias sociaux. Les parents et les enseignants qui ignoreraient leur impact perdraient une grande partie de leur capacité à aider les enfants à devenir autonomes et critiques autant qu’éduqués et instruits.

La question, on le voit, n’est pas de rigidifier les rôles respectifs des parents et des enseignants. La famille et l’école doivent ensemble permettre aux enfants d’acquérir les compétences indispensables pour réussir leur vie; des compétences intellectuelles, méthodologiques, personnelles, sociales et communicationnelles.

Ainsi, si «guerre des tranchées» autour de l’enfant il devait y avoir, ce ne devrait pas être entre les parents et les enseignants. Ceux-ci doivent plutôt lutter ensemble contre certains politiques et contre le monde économique qui cherchent à les diviser et à les rendre dociles aux idées conservatrices pour ne pas dire rétrogrades ainsi qu’aux injonctions du marché.

Article paru dans “Courant d’Idées

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