Taxe au sac, 22, v’là les récalcitrants!


«Globalement positif»: tels sont les termes d’un chef apparatchik de la région lausannoise pour qualifier le bilan du premier trimestre de taxe au sac.

PAR PIERRE NICOLAS

Il ne manque pas d’air ce Jean-Daniel Lüthi, formellement titularisé coordinateur. Globalement positif était l’expression volontiers utilisée par le stalinien Georges Marchais, leader du Parti communiste français, pour enjoliver ses piètres bilans. Ce qu’il y a surtout de positif pour l’apparatchik des poubelles vaudoises, c’est qu’il a pu, avec les technocrates de la caste des déchets, faire imposer cette lourde et antisociale taxe au sac sans que le peuple ne soit consulté. Il est vrai que lorsque le peuple avait eu son mot à dire quelques années plus tôt, le refus avait été cinglant. Ils se sont donc arrangés pour éviter un référendum; le peuple, il faut se gaffer. Notre apparatchik en sait quelque chose, qui l’an dernier, municipal d’une commune lausannoise, s’est ramassé une puissante baffe lors d’un référendum sur la construction d’une tour.

On se demande bien sûr pourquoi, simultanément à ces bilans globalement positifs, les communes ont continué à diffuser de nouveaux tracts refaisant le détail de ce qu’il faut trier, où, quand, comment. Le positif est-il à ce point global que lorsqu’on entre dans le détail rien ne va plus? Le fait est que les derniers papillons vont beaucoup plus dans les détails; et s’en trouvent encore moins lisibles que les premières explications.

Dans le globalement positif, il y a bien sûr des choses moins globales, comme la prolifération de dépôts sauvages d’ordures. Qui ne sont pas chiffrés, bien sûr, ce qui contribue à faire perdre leur valeur aux statistiques publiées, lesquelles ont été comme prévu positives. La technocratie des déchets inonde de ses chiffres ce bon peuple qu’elle s’était bien gardé de consulter. Ils précisent même que pour ces dépôts sauvage il va y avoir un gros travail de surveillance, «surtout que les beaux jours arrivent»

Eh oui, les beaux jours, ça pourrait ne pas sentir très bon dans les ruelles et recoins des patelins basculés dans le régime taxe au sac avec dépôts sauvages. Sans compter qu’avec ces beaux jours viennent les excursions au bord et sur le Léman. Faudrait que la police contrôle les sacs des gens qui embarquent… Et puis, il y a les balades à la campagne. Aujourd’hui déjà, on admet que les contrôles dans les petites communes sont peu efficaces.

Bref, les prochains bilans risquent de rester globalement positifs, malgré les efforts des polices en tous genres, et les avertissements tous azimuts. On sait que les cages d’escalier en sont placardés. Récemment une gérance y allait d’une circulaire où elle se disait «informée» «que des locataires jetaient divers déchets à même le sol à divers endroits à proximité de l’immeuble».

Ô stupeur.

Alors qu’il y a «des endroits prévus à cet effet».

Ah bon?

Et d’évoquer aussi les cartons non pliés, grief insolite s’agissant d’immeubles dont le conteneur à papier est de toutes façons devenu nettement insuffisant. Cette gérance arrive à sa conclusion: «En cas de problème, les récalcitrants seront systématiquement dénoncés».

Nous y voilà, bon sang. Les récalcitrants, nouvelle dimension de la tolérance sociale, fleur de stigmatisation. Il y a eu ainsi l’invention de la nouvelle catégorie des requérants récalcitrants, ni délinquants caractérisés, ni non plus requérants «normaux», gens que l’on voudrait parquer dans des lieux indéfinissables. On ne peut pas, ou pas encore, les mettre en prison, on ne veut pas les garder dans des centres «normaux». Alors on parle, sans trop y croire, de centres «spéciaux». Chaque chose à sa place! Voici que ce vocable qui tache s’étend avec les récalcitrants de la taxe au sac. Les sacs, il y a des endroits prévus à cet effet. Mais les récalcitrants, où les mettre?

Article paru dans “Courant d’Idées

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