Richard Falk, l’expert qu’Israël a adoré détester, termine son mandat sur la Palestine


Nommé en 2008, Richard Falk a présenté lundi son dernier rapport sur la situation des droits de l’homme en Palestine. Mais ce n’est sans doute pas la dernière fois que le professeur au verbe tranchant donnera aux Israéliens l’occasion de le maudire.

PAR MICHEL BÜHRER

Dans son rapport de 80 pages présenté lundi 24 mars au Conseil des droits de l’homme, Richard Falk a rappelé une nouvelle fois qu’Israël ne se conformait pas, et de manière persistante, aux normes juridiques énoncées par le droit international. Il a passé en revue les nombreuses violations de ce droit liées à la barrière de séparation, dont la dénonciation par la Cour internationale de justice date de dix ans. Il dénonce notamment le siège de Gaza, le caractère colonial des implantations juives en territoires palestiniens et qualifie de nettoyage ethnique la situation à Jérusalem Est. Des accusations devenues routinières au Conseil puisque, comme le note Falk, aucune des recommandations précédentes du Conseil n’a été prise en compte. Le rapporteur a aussi regretté le total manque de coopération de l’Etat hébreu, dont la délégation n’était d’ailleurs pas dans la salle pour cause de grève au Ministère des affaires étrangères.

Richard Falk, professeur de droit international reconnu, auteur de nombreux ouvrages sur le droit international (en relation notamment avec la guerre du Vietnam, l’armement, les relations internationales ou le Proche-Orient),  n’a pas l’habitude de mâcher ses mots, bien que sa voix soit curieusement douce. Avec son départ, c’est l’un des «meilleurs ennemis» d’Israël qui quitte la scène de l’institution des Nations Unies. A ses rapports annuels sans concession s’ajoute une personnalité qui se fait remarquer par des positions parfois provocatrices (par exemple sur le droit des peuples à se défendre, qui fut interprété comme un soutien au terrorisme) qui permettent à Israël de le démoniser sans nuances.

Un personnage controversé

Sa nomination comme expert au Conseil des droits de l’homme en 2008, qui plus est sur la question palestinienne, avait déjà défrisé Jérusalem et Washington. Juif et américain, Falk avait participé en 2001 à une mission d’enquête dans les territoires palestiniens qui avait rendu un rapport sévère à l’encontre de Jérusalem. En 2002 il avait traité les opérations militaires israéliennes durant la deuxième intifada de «terrorisme d’Etat». Puis en 2007, peu avant sa nomination au Conseil, il avait associé dans un article le traitement réservé aux Palestiniens aux activités criminelles des Nazis, tout en précisant qu’il ne fallait pas prendre cette référence au sens littéral. Il avait expliqué plus tard que, comme Juif américain, il avait tiré ce raccourci comme un appel désespéré. En 2008, l’ambassadeur israélien aux Nations Unies à l’époque, Ithzak Levanon, s’était étonné que «sur une liste potentielle de 184 experts» le Conseil n’ait pas trouvé une personnalité «impartiale et objective» pour ce poste.

Violations côté palestinien

Le nouveau rapporteur prit tout le monde de court lorsque, à peine nommé, il proposa d’étendre le mandat dont il avait la charge aux violations perpétrées par les Palestiniens contre des Israéliens… une position qui rejoignait une revendication de l’Etat hébreu! «Je pense depuis longtemps que le mandat doit être étendu», nous confiait-il alors à Genève, en assurant que ce n’était pas une manière de se racheter après son article malheureux. «Je l’aurai proposé tôt ou tard, je dois faire la différence entre mes positions de citoyen engagé et mes nouvelles responsabilités, où je dois être impartial et objectif». De ce point de vue, ses rapports ne se distinguent pas des documents issus d’autres travaux d’experts du Conseil des droits de l’homme.

Côté arabe, la réaction fut immédiate contre ce qui était considéré comme une manière de mettre sur le même pied occupants et occupés. «Lorsque les tanks palestiniens encercleront Tel Aviv, alors nous pourrons parler d’étendre le mandat aux violations palestiniennes», ironisa le représentant de la Palestine en séance plénière. Pour Richard Falk, c’était une manière de couper court aux accusations d’unilatéralisme (justifiées, disait-il) qui discréditent les rapports sur la région: «Cette extension montrera qu’il y a de sérieuses violations du côté palestinien, mais qu’elles sont mineures par rapport aux violations israéliennes». L’ambassadeur Levanon y vit un piège, venant de Falk.

Juif et antisémite?

Les attaques contre Falk ne cesseront plus, en général au moyen de références déformées ou de citations tronquées. Il ne fut jamais autorisé à entrer en Israël pour mener ses enquêtes. Il fut même refoulé à l’aéroport de Tel Aviv en décembre 2008, après une nuit en cellule, une mesure inédite par sa gravité. La veille, il avait assimilé les punitions collectives contre les Palestiniens à des crimes contre l’humanité.

Le professeur fut bien sûr catalogué d’antisémite par Israël, dans cette catégorie particulière des «self-hating Jews», des Juifs qui haïssent leur peuple. Il y rejoignait des personnalités éminentes comme le journaliste Max Blumenthal, le politologue Norman Finkelstein, le linguiste et activiste Noam Chomsky ou encore le professeur Ilan Pape.

Richard Falk quitte le Conseil, mais rien n’indique qu’Israël en tire un répit. Le prochain rapporteur sur la situation des droits de l’homme en Palestine doit être nommé à fin de la session actuelle, le 28 mars. Il s’agit du seul mandat concernant un pays qui figure en permanence à l’agenda du Conseil, ce que dénonce l’Etat hébreu. Richard Falk en a justifié l’importance en raison de la responsabilité de l’ONU dans la création de l’Etat d’Israël.

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Un commentaire à “Richard Falk, l’expert qu’Israël a adoré détester, termine son mandat sur la Palestine”

  1. Arnaud Nemoz 27 mars 2014 at 09:17 #

    Je croyais qu’il avait été nommé comme prix nobel. Je me fourvoyais sans doute, l’ONU est un des plus grands moteurs de contrôle de la religion mondiale et monétaire, (M&Ms). C’est bizzare comme parfois des pièges et des amalgames se regroupent.

    Justement, cet homme : il parle au sujet de la Palestine, mais les juifs vivants en israël sont-ils vraiment juifs ? Non d’après ce que j’ai pu entendre dans des musics.

    Salutations,

    Arnaud Regis Childéric Némoz & Regis Némoz

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