Musée d’Art et d’Histoire de Genève, le référendum, pour provoquer au débat sur le fond…


En dix votes (six projets d’arrêtés, quatre amendements), le Conseil Municipal de la Ville de Genève a accepté, le 20 mai 2015, le projet de rénovation et d’extension du Musée d’Art & d’Histoire.

PAR PASCAL HOLENWEG

Les opposants (Verts, UDC, Ensemble à Gauche) ont annoncé le lancement d’un référendum qui, compte tenu de la multiplicité des motivations de leurs oppositions respectives (défense du patrimoine, coût de l’opération, déséquilibre du partenariat public-privé) n’aura aucune peine à aboutir. Le peuple votera donc. Et c’est une excellente chose, non seulement du point de vue démocratique, mais aussi de celui d’un vrai débat public sur l’enjeu culturel du projet. Un enjeu passé totalement au second plan d’un débat décevant, au terme duquel on aura même pu s’offrir le plaisir quelque peu pervers de voter en faveur d’un projet auquel on n’adhère pas, mais qui devait être accepté par le Conseil municipal pour qu’un référendum puisse être lancé, que le peuple se prononce et qu’un vrai débat s’engage sur ce grand absent des joutes parlementaires: le contenu culturel du projet, le rôle qu’on attend que joue le musée rénové et agrandi. Un référendum pour provoquer au débat sur le fond, ou du bon usage d’un droit politique…

Le Conseil Municipal de la Ville de Genève a donc adopté, à une majorité pour le moins composite (PS, PLR, PDC, MCG) face à une minorité (“Ensemble à Gauche”, Verts, UDC) l’étant à peine moins, le projet du Conseil administratif de rénovation et d’extension du Musée d’Art et d’Histoire. Fin du premier des trois rounds du match politico-culturel. Un référendum a été annoncé (deuxième round), il n’aura sans doute aucune peine à aboutir, le peuple de la Ville se prononcera donc (troisième round).

Le vote du Municipal (et celui du groupe socialiste) étant acquis bien avant que de se produire, voter “non” comme nous en eûmes un instant la tentation n’aurait été qu’une posture égotiste… certes intellectuellement confortable, mais politiquement inutile. Mais le référendum étant annoncé, on peut passer à l’étape suivante: faire entendre, pendant la campagne référendaire, une réflexion socialiste critique (mais aussi prospective) sur la politique muséale, le contenu du projet, les fonctions d’un musée, l’invention d’une fonction nouvelle…

On en est donc là: ironiquement, mais mécaniquement, c’est l’acceptation par le Conseil Municipal du projet de rénovation et d’extension du Musée d’Art et d’Histoire qui rend désormais possible (si le débat public sort des ornières où cahotait le débat parlementaire) ce que ce même Conseil Municipal a refusé (la dissociation de la rénovation et de l’extension) et ce qu’il a ignoré (un débat sur le contenu culturel du projet). Si, le référendum ayant abouti, le peuple souverain refuse le “paquet ficelé” que lui présente le Conseil municipal, ce “paquet ficelé” de la rénovation et de l’extension du musée qu’il faut accepter ou refuser ensemble, on repart à zéro. On efface Nouvel, Gandur, Barbier-Muller, Cramer et on assume l’urgence d’une rénovation du musée, mais de cette rénovation seule, ou la responsabilité de la fermeture du musée. Et on se donne le temps d’un véritable débat de politique culturelle, où puisse non seulement se poser les questions “pourquoi un musée ?”, “qu’en faire ?”, “qu’y faire”, mais même, rêvons tout haut, tenter d’y répondre…

A force d’insister, on a fini par obtenir des éléments d’un “projet scientifique et culturel” (PSC) du “Mah+” (le musée tel que le projet voté par le Conseil Municipal). Des éléments, seulement: le PSC lui-même ne devrait être validé qu’en octobre par le Conseil scientifique créé pour le concevoir – et, forcément, rendu public encore plus tard, après avoir été ratifié par l’autorité de tutelle, c’est-à-dire le Conseil administratif, puisque les musées de la Ville de Genève en dépendent directement . Or si le référendum aboutit (et il aboutira), ce sera probablement à l’automne que le vote populaire sera organisé. C’est-à-dire avant que le public, les citoyennes et les citoyens, aient pu prendre connaissance du projet culturel qui seul peut justifier l’effort considérable que la collectivité va consacrer à rénover et étendre son musée. Dire que dans ces conditions, le débat sur le “projet scientifique et culturel” du musée sera tronqué, puisque fondé sur les quelques éléments du PSC déjà connus, est un euphémisme. Il va pourtant bien falloir le mener, ce débat, et le soumettre à l’examen, et donc à la critique, ce projet. On tentera de s’y employer, comme on peut, avec qui en veut.

CauseS TouSjours No 1426

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Un commentaire à “Musée d’Art et d’Histoire de Genève, le référendum, pour provoquer au débat sur le fond…”

  1. christian Campiche 24 mai 2015 at 13:31 #

    Le genre de débat que les Vaudois n’auront jamais eu… La démocratie en Suisse serait-elle à multiples facettes?

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