Commercial Brother


Je ne sais si vous l’avez remarqué, mais les sites que vous consultez ont de curieux petits liens: des mots soulignés en capitales ou en gras.

PAR MARC SCHINDLER

Je suis en train de lire un article du “Monde” sur le ministre de l’Agriculture qui rencontre les producteurs de lait pour se mettre d’accord sur les cours et je tombe sur COURS en gras souligné avec une petite flèche verte. Curieux, je clique dessus et hop, je suis sélectionné pour «un sondage anonyme sur vos expériences avec lemonde.fr. À la fin de ce rapide sondage de 30 secondes, des récompenses exclusives (valeur minimale de 75 €) vous seront proposées pour vous remercier de nous avoir fourni des données consommateur de valeur.» C’est CinemaPro1-2 qui m’a piégé.

C’est une application publicitaire, un ‘spyware’, qui va s’installer sur mon ordinateur, le ralentir et me diriger automatiquement vers des sites publicitaires. Il est livré avec plusieurs applications gratuites comme les lecteurs vidéo, lecteurs multimédias, télécharger des gestionnaires des programmes, des lecteurs de PDF et quelques autres. CinemaPro 1-2 est ajouté au système et libère divers types de publicités pop-up inévitables sur les pages de recherche actuels. C’est agaçant et ça peut même être dangereux. Vous ne savez pas si les liens auxquels renvoie cet ‘adware’ sont fiables ou suspects, comme des logiciels piratés, des pièces jointes dangereuses ou des virus informatiques. Il faut vous en débarrasser en utilisant «Spyware help desk».

Les liens sponsorisés, c’est la dernière trouvaille des as du marketing. «Les liens sponsorisés (liens commerciaux ou promotionnels) sont des liens qui sont visibles au-dessus et sur la droite des résultats affichés par les moteurs de recherche. Dans le monde et en 2008, les liens commerciaux représentaient plus de 40 % du marché publicitaire en ligne» . Le géant Google a popularisé ce phénomène avec ses fameux liens sponsorisés qui lui rapportent des milliards en vous proposant automatiquement des produits ou des services qui peuvent vous intéresser. Vous pensez naïvement que votre modeste personne n’intéresse que votre famille et vos amis. Tout faux! Chaque fois que vous cliquez, vous fournissez de précieuses données sur vos habitudes de consommation. Les spécialistes du marketing en ligne sont à l’affût avec des instruments très sophistiqués pour vous faire acheter. Aujourd’hui, tout le monde peut acheter des mots-clés qui renvoient à un site commercial. Chaque fois qu’un internaute cliquera sur votre mot-clé, vous payerez un prix fixé lorsque vous l’avez acheté, entre 1 et 2 €. Mais si vous choisissez «assurance», ça vous coûtera 55 $ aux Etats-Unis.

Les publicitaires ne s’avancent pas masqués, ils annoncent la couleur: «Une campagne universelle est un nouveau format de campagne AdWords, lancé par Google en 2013. Elle modifie certaines possibilités offertes aux annonceurs dans le but d’en faciliter la gestion. Depuis l’été 2013, les anciennes campagnes ont migré automatiquement et il est désormais obligatoire d’utiliser ce nouveau système.» Bref, vous êtes le gibier de «Commercial Brother» et vous ne leur échapperez pas ! Ce «référencement payant», c’est le coeur du métier: les marques paient des mots-clés pour «capter du trafic», en clair, pour vous rabattre vers leurs produits de l’e-commerce. En tête de la meute, amazone.fr, laredoute.fr, fnac.com. Pour le secteur audio-vidéo-électroménager, il y a longtemps que darty.com, boulanger.fr, conforama.fr et photobox.fr. sont en chasse. Pour la mode, selon «JDN l’économie demain», «Loreal-paris.fr est 2ème dans la catégorie beauté et cosmétique, et cartier.fr est 3ème dans la catégorie bijoux.». On ne vous parle pas de petites affaires. Au premier trimestre, les investissements dans la pub en ligne dans le monde ont atteint 13,3 milliards de dollars, en hausse de 16%. Il y a 20 ans, elle n’existait même pas.

Les techniques progressent à pas de géant, comme «l’analyse prédictive»: «au lieu de réagir au comportement des internautes, les publicitaires veulent les prévoir afin d’agir par anticipation. Pour cela, ils font appel à une discipline encore expérimentale: le machine learning, ou apprentissage automatique, une branche de l’intelligence artificielle. Il s’agit de doter les ordinateurs de la capacité à améliorer leurs performances sans intervention humaine.» Selon le “Monde”, la société Weborama va pouvoir cibler par exemple «une femme de 34 à 49 ans, passionnée de mode, indifférente au sport, Elle sera sans intérêt pour certains annonceurs et très désirable pour d’autres. L’Oréal sera prêt à payer 2 euros pour afficher une bannière sur son écran. Weborama possède à ce jour 62 millions de profils pour la France».

En 1984, George Orwell écrivait le roman Big Brother qui mettait en garde contre les institutions qui menaçaient nos libertés. Aujourd’hui, Commercial Brother n’en veut plus à ce qui reste de nos libertés. Ce qui l’intéresse, c’est notre compte en banque!

 

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