Rentrée des classes à l’école primaire, quand je n’étais pas encore Oncle Phil mais juste mini Phil.
PAR ONCLE PHIL
La maîtresse demande à tous les enfants de se présenter et de dire ce que font leurs parents dans la vie: «Et toi, mini Phil? Qu’est-ce qu’il fait ton papa?» lance-t-elle d’un ton excessivement interrogatif. «Mon papa, il est artiste!» lui réponds-je avec fierté. Mauvaise réponse, selon l’enseignante:
– Non, pas son hobby! Son métier. Ce qu’il fait pour gagner de l’argent.
– Mais… il est artiste. Artiste peintre et graveur! C’est ça son métier à mon papa!
Perplexe, l’instit’ fait une drôle de moue et passe à la tête blonde suivante. Cet incident sera probablement abordé lors de la prochaine rencontre avec les parents, afin de déterminer l’exactitude de la catégorie socio-professionnelle en conformité avec les usages officiels établis dans le plan d’étude FRIPRUFL 1992 (mini Phil était déjà ‘old school’ à l’époque).
Quelques années plus tard, mini Phil devenu Oncle Phil se retrouve face à un assureur doté d’un jargon technocratique étoffé.
– C’est quoi votre profession?
– Sociolinguiste – … – ou linguiste tout court si vous voulez
– d’aaaaccord… mais comment dire… vous êtes encore aux études ou bieeeeeen… ‘fin vous voyez c’que j’veux dire, hein?
– j’écris un doctorat en parallèle, mais je suis sociolinguiste, oui. Vous pouvez mettre «chercheur» sinon. Ou «collaborateur scientifique».
– ça va si j’mets «professeur des universités»? Y a ni «linguiste» ni «chercheur» dans ma liste.
– euh… ce n’est pas vraiment la même chose.
– ben j’ai qu’ça qui est comme ça qu’vous dites!
– mmmmh… Alors mettez plutôt «artiste». Ça fera l’affaire.
Excellent. On sourit pour ne pas pleurer.
Tout est de plus en plus calibré, compartimenté.Toujours moins de place pour la nuance, la fantaisie.
C’est déstabilisant.