François et les djihadistes


C’est le quotidien “Le Monde” qui l’affirme: sur ordre du président de la République française, au moins huit djihadistes français ont été liquidés en Syrie par des exécutions ciblées, dont sept par l’armée américaine.

PAR MARC SCHINDLER

Ca n’est plus vraiment un scoop depuis que François Hollande l’avait révélé aux journalistes Davet et Lhomme pour leur livre explosif «Un président ne devrait pas dire ça». Oui, il a autorisé l’armée française à exécuter des citoyens français qui combattaient dans les rangs de Daech parce qu’ils étaient considérés comme des menaces pour la sécurité nationale.

On savait que Barrack Obama avait ordonné à ses services spéciaux de «neutraliser» des Américains luttant pour les djihadistes, selon le sinistre euphémisme militaire. Mais, aux Etats-Unis, les assassinats ciblés sont revendiqués et les noms des terroristes publiés dans la presse. A Paris, selon la doctrine officielle, les Rafales ne visent que des camps d’entraînement ou des centres de commandements, pas des chefs djihadistes. Bien sûr, les djihadistes ne sont pas des criminels comme les autres. Dans les Etats de droit, il y a la loi pour lutter contre le terrorisme. Mais cela prend du temps d’enquêter, de rechercher, de mettre en examen, de juger et de condamner les terroristes. Et les assassins du Bataclan, de Nice, de Berlin ou d’Istanbul ne comparaîtront jamais devant la justice. Alors, il y a une autre logique, selon Yves Trotignon, un expert français du terrorisme: «De tels crimes ne peuvent restés impunis, à l’impuissance judiciaire doivent répondre des opérations plus brutales». La lutte contre le terrorisme a transformé François Hollande et Barrack Obama, deux chefs d’Etat démocratiques et respectueux de la loi, en partisans de méthodes de guerre secrètes, au nom de la légitime défense. «Jamais dirigeants, dans l’histoire récente de leur pays respectif, ne s’étaient arrogés un tel droit de tuer». Surtout dans un pays comme la France, qui a aboli la peine de mort.

L’enquête sérieuse du “Monde” révèle comment la guerre contre le terrorisme se déroule dans une zone grise à la limite de la légalité: un jeune Français qui a rejoint les rangs de Daesh est considéré comme un combattant, mais c’est un juge civil qui devra le décider. «Les ennemis désignés ont un double statut de justiciables au sens du droit pénal et de combattants au sens du droit de la guerre». La France ne s’est pas assise sur le droit de la guerre, mais elle a pris beaucoup de liberté avec les principes de «légitime défense collective» de la charte des Nations Unies, au nom de efficacité. Les défenseurs de la justice et des droits de l’homme auront beau protester, ils auront peu de chances d’être entendus. Face au terrorisme, la loi du talion aura toujours ses partisans. Oui pour oeil, dent pour dent!

Depuis James Bond, le cinéma et les séries télévisées nous ont familiarisés avec ce «permis de tuer» pour les services spéciaux. Et la guerre contre le terrorisme, avec l’horreur des attentats, le maintien de l’état d’urgence, a renforcé dans l’opinion la conviction que tous les moyens sont bons.

Les réactions des abonnés du “Monde” sont révélatrices. Il y a ceux qui nient que les djihadistes français sont de vrais Français, puisqu’ils veulent détruire la France. D’autres qui justifient l’action des services spéciaux au nom de l’Histoire: «Pendant la guerre, il était normal que les résistants abattent des nazis. Les soldats français ne font rien d’autre; ils nous débarrassent de ces fachos».

Il y a la pratique de la guerre secrète contre le terrorisme et il y a la communication. Puisque que les services secrets ne peuvent pas parler des exécutions ciblées, il faut tout faire pour éviter le débat public. Comme l’affirme cyniquement Yves Trotignon, un expert français du terrorisme: «Les assassinats ciblés sont parfois nécessaires, en parler non». Puisque la télévision française ne peut pas montrer l’action des services spéciaux en Syrie ou en Irak, elle ouvre ses journaux avec des reportages complaisants sur les pilotes de Rafales qui décollent du porte-avions Charles de Gaulle et d’une base en Jordanie pour bombarder Daech. En floutant soigneusement les visages des héros de la guerre contre le terrorisme. Huit Français djihadistes exécutés sur ordre présidentiel. Pas morts pour la France, mais morts par la France. Comme le disait le général Massu à propos de la torture en Algérie : «Si vous trouvez un meilleur moyen…»

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