Le nouveau défi américain


Les récentes déclarations du dorénavant président Trump à l’égard de l’Europe sont à la fois préoccupantes et étonnantes.

PAR ALBERT EBASQUE

Elles sont tout d’abord préoccupantes car elles donnent un signal de confrontation larvée entre la première puissance mondiale et l’Union Européenne alors que les relations entre les deux furent toujours harmonieuses. Mais elles sont aussi étonnantes car depuis les années cinquante nous vivons avec l’idée que les Etats-Unis ont tout intérêt à ce que l’Europe soit forte économiquement et politiquement. Or non seulement le nouveau président fait-il preuve de condescendance vis à vis de l’UE mais en plus il se réjouit du Brexit et anticipe même à demi-mots de prochaines étapes d’un démantèlement européen.

Faut-il mettre ces déclarations belliqueuses et lapidaires sur le compte de l’abyssale inexpérience du nouveau locataire de la Maison Blanche? Ou bien s’agit-il d’une réflexion profonde préparée par des conseillers de l’ombre qui préfigurerait un possible revirement de la diplomatie américaine? Car la question de fond est la suivante: quel intérêt pour les Etats-Unis d’avoir pour partenaire une Europe affaiblie et désunie? La réponse est claire: strictement aucun, compte tenu de l’importance des relations économiques entre les deux blocs. Par ailleurs, historiquement Washington a toujours cherché à s’appuyer sur Londres, Paris et Berlin pour contrebalancer une hypothétique hégémonie soviétique sur le vieux continent…

Or la Russie, parlons-en. Avec en 2016 un PIB au quinzième rang mondial placé entre le Mexique et l’Indonésie, le plus vaste pays du monde est un véritable nain au plan économique. Et même si sa population approche les 150 millions d’habitants, soit trois fois moins que celle de l’Union Européenne, on voit mal comment elle pourrait exercer un rôle hégémonique en dehors de sa propre sphère géographique même si son budget militaire occupe le quatrième rang mondial. Vladimir Poutine a une voix qui compte et la présence des troupes soviétiques au Proche-Orient témoigne de certaines préoccupations géopolitiques pour la défense de ses intérêts propres. Mais en dehors de cela, rien ne vient indiquer une quelconque menace en Europe Centrale. C’est sans doute la raison pour laquelle Trump se permet de critiquer le fonctionnement et le financement de l’OTAN. Cette dernière, créée en 1949, a effectivement besoin d’un fort dépoussiérage et pourrait même disparaître au profit d’une ODE (Organisation de Défense Européenne), un projet ancien mais toujours repoussé par les souverainistes et aussi pour des questions financières. Pourquoi ne pas sauter sur l’occasion?

Il est difficile de saisir la pensée géopolitique du nouveau président. Déjà fâché avec la Chine, le seul pays qu’il semble respecter ou admirer est donc la Russie de Poutine et la lutte contre l’islamisme radical ne peut suffire à elle seule à justifier un tel rapprochement. Mais une chose est certaine: l’Union Européenne ne doit pas se laisser intimider par les fanfaronnades d’un homme dont on sait qu’il est inexpérimenté dans le domaine des relations internationales. Il a d’ailleurs tellement promis à ses concitoyens que quatre années ne seront pas de trop pour qu’il parvienne à remplir ne serait-ce qu’un quart de ses engagements de campagne. Car la «Reconstruction américaine» qui fut à la base de la campagne présidentielle est un véritable défi au phénomène de mondialisation que nous connaissons depuis une trentaine d’années. Certes, il est légitime qu’un dirigeant cherche à réindustrialiser son économie. Mais il y a des règles et des codes à respecter en matière de relations internationales et on ne peut jeter en une heure au panier de l’Histoire des dizaines d’années de pratique diplomatique.

Il y a donc pour l’Union Européenne une formidable opportunité pour se réformer, pour adopter des politiques publiques et fiscales de convergence et, enfin, pour essayer de parler d’une seule voix dans le concert des nations. On se plaint depuis des années que l’Oncle Sam veuille constamment se poser en gendarme du monde. Profitons de ce probable repli américain pour occuper le terrain et devenir un acteur incontournable sur la scène internationale. Et laissons à Donald le soin de répondre aux attentes nationalistes de ses électeurs dont la déception sera à la mesure des espoirs qu’il a fait naître.

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Un commentaire à “Le nouveau défi américain”

  1. Christian Campiche 23 janvier 2017 at 16:58 #

    Le premier pas de l'”affranchissement” européen serait de demander le retrait des troupes américaines d’Allemagne (50.000 soldats) et d’Italie (10.000). Pas sûr, que les intéressés soient disposés à faire le pas…

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