Poste, amis de la schizophrénie, bonjour!


Lors de la session d’été du Parlement, La Poste pourrait traverser quelques turbulences fédérales. Certains politiciens vont essayer de taper sur les doigts d’un monstre qu’ils ont eux-mêmes créé. Fascinant, non?

PAR JOËL CERUTTI

Sûrement que La Poste en fait une jaunisse d’incompréhension. Voici trois jours, elle annonce, fiérote, les bénéfices présentés comme « exceptionnels » de son premier trimestre 2017 : 267 millions. Et la directrice Susanne Ruoff de flatter sa si payante stratégie de réorganisation. Par là, tu entends dégraissage, fermetures, restructuration de l’offre. « Chute des prestations et négation de sa mission de service public », observent les ronchons anarchistes de notre genre. Les hasards arrangés du calendrier permettent à La Poste de se désigner bon élève… juste avant la session d’été du Parlement. Où quelques politiciens, commissions et motions se penchent sur son cas. Nos élus se doivent de répercuter ce qui mugit férocement dans nos campagnes, les fermetures à gogo des offices avec des ersatz de négociations. Jusqu’ici La Poste biaise ses statistiques de couverture nationale garantissant un 90%. Facile de voir qu’elle densifie les concentrations urbaines et met à la poubelle les zones villageoises. Certains élus pensent donc lui imposer ces 90% dans chaque canton! Ce qui contrecarrerait les plans tirés par Susanne Ruoff dans les trois ans à venir: 600 offices bouclés, 1200 personnes sur le carreau et 280 millions d’économies.

C’est là que La Poste ne comprend pas.

C’est un peu comme si un premier de classe présente fièrement un carnet de notes bourrés de 6 à son papa et que celui-ci lui – sans doute aussi un peu bourré – lui colle deux baffes. Parce qu’il bosse trop bien.

Comme La Confédération croque dans les bénéfices de La Poste, soudainement il faudrait que ceux-ci subissent une cure d’amaigrissement ? Où est la conséquente logique néo-libérale dans tout ça ? Je te le demande… Fine stratège, La Poste a su jouer sur la déconnexion de nos hautes sphères avec la réalité quotidienne. Tu te souviens comme moi de la belle Doris (Leuthard), l’an passé, garantissant que La Poste ne sortait pas de ses ornières citoyennes, qu’elle distribuait l’AVS aux retraités. Alors que, depuis un bon moment, le facteur n’apporte plus le centime aux rentiers. Toi, femme ou homme remplissant des bulletins de vote, tu l’as encouragé dans cette direction. Refuser l’initiative « En faveur du service public » désintégrait les gardes fous nécessaires à n’importe quel embryon de surveillance. La Poste, dès lors, a mis plein gaz dans la logique que d’autres politiciens lui ont naguère imposée.

Le monstre de Frankenstein ne s’est pas construit tout seul. Avant, un docteur fou est parti déterrer des cadavres dans un cimetière. Il a construit un puzzle macabre de membres avant de leur donner vie. Qui a canalisé l’électricité venue des éclairs dans ce corps sans âme ? La classe politique elle-même ! Elle a mis bout à bout deux idées antagonistes : service public et rentabilité. Que ce soit pour La Poste, les CFF, voire la SSR notre riche pays plonge ces sociétés dans une schizophrénie qu’elles gèrent à leur façon. Dans ce domaine, leurs dirigeants ne saisissent pas les nuances de gris. C’est blanc sado ou noir maso. Soit les politiciens leur fichent la paix sur les déficits, soit elles garantissent les dividendes versés aux actionnaires… où figure la Confédération. La semaine prochaine, nos politiciens accorderont-ils leurs violons pour que La Poste passe la marche arrière ? Freineront-ils sa déshumanisation ? Exigeront-ils la réouverture d’offices ? Nos espoirs risquent d’être distribués en courrier B, autant ne laisser aucune illusion nous bercer.

PJI

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