Lettre à un ami lecteur – Moutier et le reste du Jura demeuré bernois se sépareront un jour ou l’autre de Berne


Le temps de traverser l’Atlantique, de laisser derrière moi l’automne naissant à Lima et de reprendre mes marques dans cet été précoce à Fribourg.

PAR PIERRE ROTTET 

Le temps aussi de jeter un regard consternant sur l’actualité, complaisamment distillée par nos médias, que déjà me titille l’envie de la commenter, cette actualité. Une habitude, n’est-ce pas?

Premier ancrage dans ma réflexion, normal, pour l’ex-activiste jurassien que je suis: l’avenir de Moutier. Contrairement à ce qu’en disent ou prétendent les pseudo-spécialistes-commentateurs qui y vont de leurs non-savoirs, de leur ignorance, donc, de leur certitude à 2 balles, « le destin » de la ville de Moutier ne se scellera pas dimanche 18 juin, dans le cas que je veux improbable, d’un vote négatif à l’adhésion de la ville au Canton du Jura.

Ma conviction? Moutier et le reste du Jura demeuré bernois se sépareront un jour ou l’autre de Berne. Pour y aller ensuite de leur vrai choix. Question de temps. Pour Moutier un peu plus vite peut-être. L’histoire est parfois suffisamment tenace pour donner aux hommes de réparer les erreurs engendrées par cette même histoire.

A l’époque du plébiscite du 23 juin 1974, avec une équipe de jeunes, j’étais en charge du vote de la jeunesse prévôtoise afin de rechercher de sa part une adhésion au « oui » jurassien. Pas une soirée à la maison, ni de temps libre quelques semaines avant l’échéance. De justesse, par 50,8% des voix, la ville de Moutier allait « refuser » son adhésion à la création d’un canton du Jura. 50,8%, soit, si ma mémoire est bonne, une septantaine de personnes. En d’autres termes, un déplacement de voix de 36 citoyens. Ou citoyennes…

Quelques années plus tard, en 1984, je crois, nous apprenions, ce que nous autres Jurassiens pressentions, mais sans preuves, grâce au fameux rapport Hafner, à savoir les versements clandestins du gouvernement bernois aux pro-bernois, pour influencer en sa faveur le vote plébiscitaire. Autrement dit, histoire de le rappeler: le scandale des caisses noires de ce gouvernement. 730.000 francs, selon ledit rapport. Un chiffre qui, selon toute vraisemblance, n’était que la pointe subitement devenue visible de l’iceberg. Sans doute bien d’autres centaines de milliers de francs furent-ils abandonnés dans les porte-monnaies de peu scrupuleux citoyens. Pour acheter leurs voix. De là à dire que le vote de Moutier eût été sans doute fort différent au soir du 23 juin, il n’y a qu’un pas. Que je franchis. Je ne suis du reste pas certain que les districts méridionaux du Sud auraient pris sur eux de partir seuls à l’aventure avec Berne. Sans Moutier…

Bref. On ne refait pas l’histoire. Mais crois-moi, j’aurais aimé lire ou écouter les médias oser déranger les deux Berne, cantonale surtout, faire un devoir de mémoire sur cette fourberie bernoise, en vue du 18 juin 2017, en lieu et place de débiter des fadaises servies, nous invitant à zapper ou à tourner la page.

Histoire, avec un grand « H », de souligner combien le Jura a été victime des malhonnêtetés de Berne tout au long de son histoire. Jusqu’à aujourd’hui.
Tu l’as compris, il y aurait beaucoup à dire sur la période plébiscitaire, voulue par l’additif constitutionnel dicté en 1971 par Berne, qui imposa les règles du jeu établissant la partition du Jura. On ne le dénoncera jamais assez. Le référendum sur Moutier en était l’occasion. Ratée. La faute à nos médias…

Le second point d’ancrage, dans le prolongement du premier, pour une autre lutte de libération, m’est parvenu l’autre jour par le biais d’un communiqué de la « Generalitat de Catalunya ». Plus précisément du Bureau du président Puigdemont, fixant au 1er octobre prochain le référendum de la Catalogne sur son indépendance.

Tu l’imagines, Madrid a poussé des hauts cris. Pas de peine à imaginer l’artillerie lourde que vont sortir Rajoy et son PP, mais aussi les hommes inféodés au PSOE, deux partis qui passent leur temps à décevoir le bon peuple – tiens cela ne te rappelle pas un pays voisin, atteint d’une macronite aiguë qui ferait rire si la maladie n’en présageait d’autres, autrement plus graves, je le crains. Reste que les Catalans s’en moquent. Du moins les indépendantistes actuellement au pouvoir. Et ça n’est pas moi qui leur donnerai tort!

«Voulez-vous que la Catalogne soit un Etat indépendant sous la forme d’une république?» Au-delà d’un « oui » souhaité, à mes yeux, il va sans dire, un «non» possible, là également, ne ferait que reporter l’échéance. Tôt ou tard. Question de temps! Simplement.

Le jour même de l’annonce de la date de ce référendum, le correspondant madrilène d’un grand quotidien français tartinait sur l’événement. En termes surprenants, à propos, selon lui, de la « Catalogne espagnole ». Comme provocation, en ne fait guère mieux. Pas besoin de lui demander comment il va « objectivement » orienter ses articles à venir sur le sujet. En manipulant ainsi insidieusement le lecteur. Une petite phrase, mais qui en dit long sur la volonté de l’auteur – et donc de la rédaction – d’embarquer ledit lecteur avec lui sur le chemin qui plaît à Madrid. Belle servilité!

Je m’en voudrais, pour demeurer sur le sujet de ces libertés auxquelles certains peuples aspirent, victimes de l’histoire, de passer sous silence l’interprétation d’une agence de presse internationale sur le vote écossais aux législatives du Royaume-Uni, de la perte de plusieurs sièges du « Scottish national Party (SNP). Je cite: « Le rêve des nationalistes écossais du SNP d’organiser un nouveau référendum sur l’indépendance a pris du plomb dans l’aile… ». Puis, plus loin dans le papier, « une indépendance qui s’éloigne »… Voilà une agence – et donc le journaliste en question -, malheureusement bien trop influente, qui fait grossièrement la pluie et le beau temps dans la manipulation des infos dans le monde. Ce qui, bien souvent, bien trop, fait le bonheur de nombre de gouvernements. Londres, dans le cas présent. Une agence qui, à l’instar du gouvernement britannique, prend ouvertement ses désirs pour la réalité. En oubliant qu’aujourd’hui ne ressemble en rien à hier. Et que demain contredira les petites certitudes, maladroitement et bêtement formulées aujourd’hui. Ce qui m’inquiète, c’est que l’opinion publique s’en accommode. Et pire, s’enlise dans les schémas qui lui sont ainsi soumis. Docilement. Sans révolte!

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Un commentaire à “Lettre à un ami lecteur – Moutier et le reste du Jura demeuré bernois se sépareront un jour ou l’autre de Berne”

  1. Hans-Jürg Schmied 19 juin 2017 at 13:50 #

    ” le correspondant madrilène d’un grand quotidien français tartinait sur l’événement. En termes surprenants, à propos, selon lui, de la « Catalogne espagnole ». Comme provocation, en ne fait guère mieux. Pas besoin de lui demander comment il va « objectivement » orienter ses articles..”

    Pourquoi? Une Catalogne indépendante n’est pas seulement un enjeu pour l’Espagne. A cause de la minorité catalane au Roussillon, un indépendance de la Catalogne “espagnole” reréveille la méfiance française.

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