Le Favotais accusé de déstabiliser le marché du vin


Sans doute vous rappelez-vous l’histoire d’un homme passionné de vigne qui s’est mis dans l’idée, folie en tête, de planter des vignes de cépages adaptés à l’altitude de sa parcelle du Morsalaz, à environ 1080 mètres d’altitude, au-dessus de Château-d’Œx .

PAR M. Z. 

C’est déjà une longue histoire, semée d’embûches, de demandes d’autorisations, de déterminations d’une commission d’experts en matière de cadastre viticole suivies d’une décision du chef du département de l’Economie Philippe Leuba, faisant l’objet d’un recours adressé à la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal. Le pot de terre contre le pot de fer, comme si la demande de Pascal Rittener-Ruff était de nature à entraîner d’autres demandes pouvant à terme « déstabiliser le marché » et « engendrer » une situation d’excédents catastrophiques pour notre économie vitivinicole.

On croit rêver, d’autant plus lorsqu’on sait que le 70 % de la consommation de vin en Suisse est de provenance étrangère, lorsqu’on sait que le requérant a pris l’engagement irrévocable de ne pas vendre sa production de vin, et que l’on sait encore que le seul but du projet de microdomaine viticole de Château-d’Œx est expérimental, ayant vocation de susciter l’intérêt des visiteurs du Pays-d’Enhaut, en complément des productions de pays comme les fromages ou les charcuteries.

Il faut rappeler que la demande initiale de M. Pascal Rittener-Ruff date du 4 juin 2015, qu’elle a été refusée par la commission d’experts le 23 juillet de cette même année, décision contre laquelle le demandeur a recouru auprès du Conseil d’Etat (4 septembre 2015) qui a attendu plus de 20 mois pour rejeter le recours déposé par l’avocat Marc-Aurèle Vollenweider, soutien attentif du requérant qui vient de déposer un deuxième recours auprès du Tribunal cantonal.

A lire avec attention les considérants du chef du département de l’Economie, dans sa décision du 24 mai dernier, on est pour le moins étonné qu’il s’inspire d’une décision du 2 juillet 1980, selon laquelle il convient « de limiter le cadastre viticole à la cote de 600 mètres dans le Lavaux », sur la base d’une législation qui n’est plus de vigueur. Or Pascal Rittener-Ruff a planté en 2007 une dizaine de plants de vigne qui ont bien supporté les contraintes climatiques de notre région. Par exemple, la gelée noire de ce dernier printemps, qui a causé d’importants dégâts dans les vignobles de la plaine du Rhône, n’a produit aucun effet sur la vigne du Morsalaz.

Pascal Rittener-Ruff est un homme patient, mais aussi pugnace, volontaire, qui a su s’entourer de l’avis et des encouragements de spécialistes, comme le Centre de recherche d’Agroscope, à Pully, comme le président des œnologues de Suisse, M. Daniel Dufaux, comme M. Andreas Meier, membre du comité de l’Union suisse des œnologues, qui est un pépiniériste spécialisé dans les cépages utilisés dans les pays d’altitude. Il ne demande pas de subvention ou de crédit à l’innovation pour se lancer dans son projet, il en connaît et en assume les risques, il bénéficie du soutien des autorités de la Commune de Château-d’Œx, il demande seulement l’inscription d’une partie de sa parcelle du Morsalaz (4000 m2) en zone de cadastre viticole, comme d’autres pourraient le faire pour des cultures de cannabis ou d’héliotropes.

Mais voilà, la culture de la vigne et la production de vin sont des chasses bien gardées : dans le canton de Vaud en particulier, les vignerons constituent des groupes de pression actifs auprès du Conseil d’Etat et du Grand Conseil, auprès de l’administration cantonale et des associations en charge de l’agriculture et de la viticulture. Ce qui explique les craintes réitérées d’une production surabondante de vin dans des conditions de marché aléatoire. Et plutôt que d’agir auprès des tout grands producteurs, on veut empêcher par tous les moyens une personne de se livrer à une expérimentation de culture de la vigne à l’altitude de Château-d’Œx. Dès lors Pascal Rittener-Ruff est tout désigné comme agent déstabilisateur du marché du vin.

On ne savait pas à quel point ce marché est fragile dans notre pays.

Texte paru dans le “Journal du Pays-d’Enhaut”, 20 juillet 2017

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