Ces pollueurs sophistiqués qui souillent la terre avec une certaine classe en respectant l’ordre des ordures


Le réchauffement climatique ne cesse de faire parler de lui ces derniers temps.

PAR ONCLE PHIL

A la vue des ouragans qui pourrissent nos lieux de vacances et des fontes de glaciers qui risquent de foutre en l’air l’économie des remontées mécaniques helvétiques, les humains essaient de prendre conscience des conséquences de leurs actes, de se responsabiliser en limitant leur impact sur l’environnement. Parmi eux, il existe des pollueurs pas comme les autres; des individus sophistiqués qui souillent la Terre avec une certaine classe: en respectant l’ordre des ordures et en consommant de façon “eco-friendly”.

Récemment, une vidéo de BuzzFeed France présentait la Suisse comme “le pays qui gère le mieux ses déchets”. Au milieu des magnifiques montagnes helvétiques, on aperçoit des petites mains qui classent des détritus par familles de polluants: les déchets verts, les plastiques, le papier et le carton (séparés selon le degré de monomanie des cantons), le verre, l’aluminium, les batteries, les huiles, etc. On y mentionne aussi une “police des poubelles” qui contrôle que tout un chacun respecte l’ordre des ordures. Les experts en fientes sélectionnent les sacs non conformes, les dépècent pour retrouver l’identité des orduriers et leur envoyer une amende pour leur rappeler qu’on ne badine pas avec les détritus.

La Suisse n’est bien sûr pas le seul pays de riches à se préoccuper d’optimiser l’évacuation de ses immondices et à savoir comment en générer un profit. Il ne s’agit pas non plus du seul geste écologique des Helvètes. En témoignent les nombreux individus qui cherchent à vivre dans un monde “zéro déchets” et qui préfèrent le vélo électrique au scooter ou à la bagnole. Chaque fois qu’ils achètent un nouveau produit, ils vérifient si celui-ci respecte un quelconque label écologique inventé par des marketeux en quête d’estampilles “eco-friendly” pour – au passage – grappiller quelques sous en donnant bonne conscience aux consommateurs. Ces gens sont bien, très très bien même, puisque j’en fais un peu partie.

Il y a pourtant un détail qui échappe à l’ordre des ordures. Un détail qui demanderait comment cela se fait qu’avec une pareille population de classificateurs de rognures et autres adeptes de courant vert caca pomme, on continue à figurer parmi les principaux réchauffeurs climatiques. Effectivement, même en respectant tous les labels de “pêche durable”, “fair trade” ou “agriculture biologique”, nous préférons toujours l’avion au train pour passer notre petit week-end en amoureux à Barcelone ou à Berlin. De retour en Suisse, on se fait plaisir en s’offrant un nouveau t-shirt ou une paire de jeans “eco-responsables”, avant de s’engloutir un plateau de sushis “MSC”. Les roulades nippones digérées et rendues aux eaux usées, nous essuyons nos petites fesses d’Helvètes avec du PQ quadruple couche molletonné et ultra-doux (mais bon, ça va si le PQ est en papier recyclé ou “FSC”).

Dans l’ordre des ordures, il y a donc des gens qui ont les moyens de polluer de manière “responsable”, c’est-à-dire en dépensant un peu plus d’argent pour s’assurer que les services ou les produits qu’ils consomment respectent certaines normes écologiques (voire éthiques, mais ça c’est une autre histoire…). Reste que ces individus “responsables” continuent à laisser une empreinte carbone plus importante et que – à force d’être matraqués par les labels écolos et autres prescriptions de triage des polluants – ils oublient un peu plus de s’attarder sur les problèmes structurels qui sont eux aussi responsables de maintenir la pérennité de l’ordre des ordures… et de l’économie.

OnclePhil.ch

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