Tout va très bien Majesté, tout va très bien!


Le Financial Times publiait avant-hier (1) des statistiques inquiétantes qui montrent que pas moins de la moitié des sujets adultes de sa gracieuse Majesté est dans une situation financière jugée de vulnérable à précaire et jusqu’à obérée.

PAR PIERRE ROCHAT, Londres

En cause, des salaires bas bien sûr, donnant peu de pouvoir d’achat étant donné le niveau général des prix, mais surtout un endettement alarmant issu de la consommation à crédit.

L’industrie produit de plus en plus rationnellement grâce à la technologie, à des matériaux nouveaux et à l’automation. Il y un demi-siècle, on produisait en une journée l’acier que l’on produit aujourd’hui en quelques minutes, et ainsi en est-il pour le textile, le ciment, la voiture etc. Il en résulte une surproduction qu’il faut bien écouler. Le marketing entre alors en scène.

Son objectif est de créer de la demande. Tout est bon pour vous complexer de ne pas porter une Rolex, écrire avec un Montblanc, chausser des Tod’s, rouler dans un spider dernier modèle. Cependant, il faut une demande solvable. Alors le marketing inventa le crédit à la consommation que les financiers se dépêchèrent d’ajouter à leur palette. Mais la demande court toujours après l’offre qui ne cesse d’augmenter par les mêmes facteurs et pour faire « des économies d’échelles ». L’escalade est infernale, sans même parler du gaspillage de ressources et de la pollution engendrés.
Alors se trouve-t-on dans des marchés saturés où les consommateurs sont gavés de crédits comme des oies. Que trouvera-t-on pour continuer à vendre lorsque les consommateurs ne pourront plus rembourser leurs crédits ? Pas de souci, on a inventé le crédit à taux zéro –ou presque-, permettant au débiteur de rembourser au lieu de payer des intérêts.

Lors de la crise financière de 2008, dite des « subprimes », les banques centrales ont massivement abaissé leur taux d’intérêts pour donner du souffle à l’économie. Le résultat est que l’endettement a augmenté de manière significative, aussi bien celui des Etats que celui des investisseurs et des consommateurs, au point où le système bancaire est maintenant l’otage de ses débiteurs. La Banque des Règlements Internationaux (BRI) a tiré la sonnette d’alarme, suggérant que le maintien de taux d’intérêts bas longtemps encore deviendra irréversible si l’on ne veut pas provoquer des faillites en chaîne.

« On ne dort plus lorsqu’on doit dix mille à son banquier, mais lorsqu’on lui doit dix millions, c’est lui qui ne dort plus » dit-on. On en est là.

Mais pas question de se laisser abattre. Une nouvelle piste est à l’étude pour sortir de l’ornière : l’idée du revenu inconditionnel. L’Etat allouerait à chacun un revenu sans contrepartie, distribuant ainsi du pouvoir d’achat sans production supplémentaire. Les expériences en cours, en Finlande par exemple, montrent la faisabilité du concept. En théorie, cela devrait désengorger le système, à court terme du moins.

En définitive, n’a-t-on pas le sentiment d’assister à une fuite en avant qui finira dans le mur ? Gageons que les oies ne seront pas éternellement les dindons de la farce.

(1) Financial Times, 19 octobre 2017, page 1

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