Le bitcoin, farce de geeks ou nouvelle ère ?


L’avènement de la crypto-monnaie déclenche certainement autant de passions que la mise en circulation des premiers billets de banque le fit. Le papier-monnaie suscita d’abord la méfiance puisque sa valeur reposait sur de l’or que l’on ne voyait pas, au contraire des pièces qui incorporaient le métal précieux. Quelques escroqueries retentissantes dues à la tentation d’émettre du papier-monnaie non couvert donnèrent raison à ses détracteurs. Mais son usage pratique l’imposa rapidement dès lors qu’il fut encadré par un institut d’émission régalien, une « banque centrale ».

La nouveauté rencontre de la résistance, c’est humain. Les impressionnistes y ont été confrontés mais cela n’a pas empêché leur accession à la reconnaissance universelle.
Voyons donc les choses sans préjugés. L’idée de la crypto monnaie est née d’esprits « rebelles » méfiants envers le système financier. Pour faire court, ils lui reprochent d’une part de ne pas respecter la sphère privée et d’autre part de créer de la monnaie non couverte. Ils ont voulu créer un moyen alternatif de paiement indépendant, sûr et anonyme. Ce qui fit dire à Jamie Dimon, patron de la JPMorgan Chase de New York que « le volume de transactions en bitcoins ne sera que le reflet de la masse d’argent sale qui cherche à être blanchie ». D’autres banquiers ont prédit que le bitcoin sera le Graal des hackers pour prendre le contrôle de son émission. Certes, cela n’est pas entièrement faux. Mais ce qu’il faut retenir, c’est le dessein de ses penseurs : offrir un abri contre l’ingérence et la ruine. Ainsi, la crypto monnaie pourrait, par exemple, se jouer d’un Etat qui introduirait un contrôle des changes, comme le Venezuela, ou laisserait filer l’inflation, comme le Zimbabwe.

Il faut par contre se garder de l’idée que la crypto-monnaie puisse être un instrument de placement. Le bitcoin n’est couvert par aucune valeur et n’en a donc pas, hors de son rôle de moyen de paiement.

Alors que le bitcoin qui monte en puissance veut précisément échapper au contrôle des institutions, il est piquant de relever que les Suisses seront prochainement appelés à voter sur «une monnaie pleine», c’est-à-dire sur un renforcement drastique de la mainmise de la Banque Nationale sur le système bancaire et notamment sur le « robinet » du crédit des instituts privés. C’est le grand écart !

D’une manière générale, il est salutaire d’avoir une alternative, un plan B comme on dit. La concurrence faite à une institution comme une banque centrale est un moyen de pression sur elle afin qu’elle délivre une politique monétaire irréprochable. C’est certainement plus efficace que tous les contrôleurs du monde. Comme le disait Jay Clayton, le Président de la SEC, la puissante US Securities And Exchange Commission, « laissons une chance au bitcoin et encourageons les gens à s’y intéresser raisonnablement ». Veut-il susciter par sa petite phrase un contrepoids à la Réserve Fédérale ?

Farce de geeks, certainement pas, mais nouvelle ère ? Il faudrait un dérapage incontrôlable du système financier global pour que le bitcoin trouve sa place et qu’il n’y ait pas d’accident informatique. Cela fait beaucoup de conditions à remplir. Gageons que le bitcoin restera comme Janus avec sa face claire et sa face obscure.

Pierre Rochat

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