Lettre de Lima à un ami lecteur – Il faudra du courage à M. Rajoy pour admettre qu’il s’est trompé


Ça, mon cher ami, c’est ce qu’on appelle une sacrée remise en place. Pour dire les choses dans le politiquement correct. Ce qui n’est pas ma tasse de thé, tu le sais. Alors je dis, je l’écris: je m’en réjouis, ma tête est en fête. Quelle déculottée pour Madrid! Je veux dire pour Rajoy, son PP et son gouvernement.

En langue castillane, on dirait «que tal bofetada». Quelle monumentale baffe sur les oreilles d’un Premier ministre atteint de surdité. De quoi les lui déboucher. La surdité est chose bien trop courante chez les politiciens.

Tu vois, l’histoire s’est répétée. Parce que l’histoire se charge généralement de réparer les erreurs du passé. Même s’il faut du temps, voire beaucoup de temps dans certains cas.
Le plus amusant, dans ce qui se vit en ce moment en Catalogne, est que Rajoy, par son intransigeance, son orgueil démesuré, sa soif d’imposer ses vues, a sans doute largement contribué à cette mobilisation des Catalans. Ceux qui veulent une autre Catalogne. Ceux qui n’en veulent pas. A ce détail près que rien n’a changé.

Si. Pourtant. Car jamais le ressentiment entre les deux camps n’a été aussi flagrant  qu’aujourd’hui. Il n’a fait que croître depuis 2010, lorsque le PP de Rajoy alluma la mèche en refusant devant la justice le Tribunal constitutionnel, acquis au PP, réfutant toute valeur juridique à la référence à la Catalogne comme «nation», en rejetant de plus le catalan comme langue préférentielle dans l’administration. Une décision qui balayait de fait le nouveau statut d’autonomie de la Catalogne, mis en place en 2004 par M. Zapatero, alors chef du gouvernement espagnol. Et je passe sur l’arrestation des élus emprisonnés depuis des semaines, l’exil d’autres leaders, la grande manifestation sur le thème «Nous sommes une nation, nous décidons», réunissant plusieurs millions de Catalans dans les rues.

Tu vois, à mes yeux, il n’y a pas mieux que l’incompétence de certains politiciens ou autres gouvernants pour aider à émanciper l’histoire, l’accélérer. Il n’y a pas mieux que les incompétences pour raviver un idéal de lutte. Rassembler les idées, favoriser les rassemblements pour réclamer justice. On a emprisonné des leaders, on les a contraints à l’exil? La belle affaire. On peut étouffer bien des choses. Jamais les idées. Et toutes les prisons du monde, fussent-elles de Madrid, n’y pourront rien changer.

Rajoy et son gouvernement, appuyés sans restriction par le PSOE, ont convoqué ces élections. Avec dans l’idée que le scrutin affaiblira le poids des partis indépendantistes. En pensant bêtement qu’il suffisait de s’asseoir sur la démocratie pour étouffer la campagne pro-sécession. C’est le contraire qui s’est produit. Pire, ou mieux encore, puisque ce scrutin-référendum a bien davantage mobilisé qu’en 2015.

Faut le faire, l’ancien chef de l’exécutif catalan Carles Puigdemont pourrait retrouver la présidence de la région depuis son exil. Le Premier ministre espagnol Mariano “Rajoy a perdu le plébiscite qu’il cherchait”, a réagi l’intéressé de son exil bruxellois. Puigdemont pourrait – en théorie – “récupérer” son vice-président Oriol Junqueras, dans les geôles espagnoles actuellement. Avec d’autres.

Quel gâchis! Tu l’as compris. Le naufrage pour Rajoy et pour son PP est total. Dans sa première réaction, le Premier ministre a eu beau fanfaronner. Désavoué à ce point, il ne lui reste que la démission. Reste qu’il faut du courage pour admettre que l’on s’est trompé.

Pierre Rottet

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2 commmentaires à “Lettre de Lima à un ami lecteur – Il faudra du courage à M. Rajoy pour admettre qu’il s’est trompé”

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    François Meylan 23 décembre 2017 at 13:13 #

    « Si tu n’es pas indépendantiste, tu es fasciste ! »

    Suite aux élections législatives du 21 décembre dernier, en Catalogne, les opposants aux indépendantistes rassemblés sous la bannière de Ciudadanos, première force politique au parlement, ont rappelé que les Catalans opposés à la sécession avaient démontré qu’ils étaient plus nombreux que les autres. Même sans avoir obtenu la majorité des sièges, ils ont obtenu 52,1% des voix, contre 47,5% pour les indépendantistes. La loi électorale catalane prévoit un système de pondération des voix qui avantage les provinces rurales, où les indépendantistes sont très implantés, d’où leur victoire en sièges au parlement régional. Et comme l’a scandé Inés Arrimadas, leader de Ciudadanos : « Vous avez ruiné la Catalogne. Vous vivez dans une bulle républicaine et vous ne savez pas ce qui se passe en réalité. »
    Il n’y a aucune raison de se réjouir de la montée du séparatisme catalan. Il repose principalement sur l’entretien des blessures du passé, le racisme, le clientélisme et la manipulation. En Catalogne, pour les séparatistes, vous n’avez guère le choix: « Si tu n’es pas indépendantiste, tu es fasciste ! » Précisons que bien rares sont aujourd’hui les indépendantistes qui ont réellement connu les geôles du dictateur Franco. Et ce que certains appellent oppression ressemble plus à des caprices d’enfants de riches. Non, n’y a vraiment aucune raison de se réjouir. Les Catalans refusant la séparation d’avec les autres autonomies espagnoles ne sont pas moins Catalans que les autres. Comme le précise le socialiste catalan Josep Borrell, ex-président du Parlement européen : « Les séparatistes catalans qui n’ont aucun projet politique réunissent à la fois une bourgeoisie catalane dont une part significative est en proie à des affaires de corruption et les extrêmes anti-système qui entendent faire la guerre au capitalisme et à la mondialisation par le truchement de la sédition. Une telle alliance de l’eau et du feu n’augure rien de bon. »
    En extrapolant, on peut craindre, à terme et sans fantasmes, une lutte armée au sein de cette autonomie espagnole meurtrie qui attirerait tous les anti-sytème, des pacifistes au moins pacifistes tels que les révolutionnaires, criminels et autres djihadistes que comptent nos latitudes et au-delà contre les forces institutionnelles. La situation catalane, contrairement à un bon bordeaux, ne se bonifie pas avec le temps.

  2. Pierre Rottet 23 décembre 2017 at 20:36 #

    Cher Monsieur François Meylan, un peu réducteur, votre titre dans le commentaire qui est le vôtre. Faut-il être à court d’argument pour citer Joseph Borel, socialiste, dites-vous, ex-président du Parlement européen. Surtout si l’on prend en compte que le beau projet européen, voulu, imaginé par les précurseurs, a pris un sérieux coup dans l’aile. Avec les résultats que l’on connaît. Avec les populismes, pour ne pas dire pire, et l’inquiétante et dangereuse montée de ces derniers. Où est le rêve européen aujourd’hui? Qui entend donner des leçons à la Catalogne. Mais qui se fait menacer sans broncher par les dérives d’une ambassadrice des Etats-Unis à l’ONU. Bref. Une UE terne, sans ambition. Arrogante. A l’image de l’Espagne de Rajoy. Et qui procède de la même manière que les Etats-Unis lorsqu’il s’agit d’exercer son chantage… Je ne doute pas que vous lirez mon dernier papier sur la Catalogne. Afin de prendre connaissance d’un résultat tronqué… Oui, cher Monsieur Meylan, les indépendantistes ont triomphé malgré l’autoritarisme de Madrid. En siège. Et en suffrages. Il ne serait en effet pas très honnête de placer Podemos et son allié le 21 décembre dans le même pot que C’S, qui a pompé le PP, mais n’est-ce pas blanc bonnet et bonnet blanc, et le terme est sans c…. PSC… Bien à vous et cordialement. De bonnes fêtes à vous. Pierre Rottet

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