Uber, Air BnB, à l’horizon 2018 les municipalités réagissent


Après les réactions de la Cour de Justice de Union européenne (CJUE) concernant les manquements au droit européen de Ryanair, la fin de l’année 2017 dévoile d’autres fermes réactions de la part des municipalités de grandes villes, telles que Paris, New York, Barcelone, Berlin ou Londres concernant les pratiques des multinationales Uber et Air BnB, éléments moteur du tourisme de masse récrié ces derniers temps.

Il y a des moments où on se dit que quelles que soient les démarches, les initiatives ou les pétitions, nos dirigeants semblent léthargiques et laissent tout passer, selon la sacro-sainte loi du commerce à tout prix. Eh bien à ceux qui désespèrent, je dirais que rien n’est jamais perdu. Certes, il est plus facile de céder à une multinationale qui dispose de beaucoup d’argent et de soutiens juridiques, mais a contrario, on vient de constater récemment que même en politique, des élus arrivent à les affronter et à leur imposer des règles dans les frontières à l’intérieur desquelles elles se sont implantées. Il suffit donc parfois que, face à ces entreprises, plusieurs pays d’Europe parviennent à créer des jurisprudences locales pour que d’autres pays emboîtent le pas et que, in fine, ces démarches aboutissent à la création de lois qui s’appliquent à l’ensemble des pays de l’UE. Coup sur coup, deux démarches politiques viennent d’aboutir.

La première concerne la prise de position le 20 décembre 2017 de la CJUE vis-à-vis d’Uber en statuant que son service de réservation de voitures avec chauffeur relevait du «domaine des transports». Cela a pour conséquence que l’ensemble des Etats membres de l’UE puissent le réglementer comme les sociétés de taxi. L’affaire avait été portée devant la CJUE à la suite d’une plainte pour concurrence déloyale déposée en 2014 par une association professionnelle de chauffeurs de taxi de Barcelone invoquant un service de taxis qui ne se pliait pas aux normes locales. Parallèlement, une bataille juridique avait été engagée en 2014 par deux chauffeurs d’Uber réclamant l’application d’un salaire horaire minimum équivalant à 8,50 euros et à des congés payés. Pour la CJUE, le service fourni par Uber ne se résume pas à un seul service d’intermédiation, mais faisant au contraire partie intégrante d’un service global dont l’élément principal est un service de transport. En Europe, Uber devra alors obtenir des autorisations d’exploitation identiques à celles des compagnies de taxis selon les règles propres à chaque Etat membre.

Le 1er décembre 2017, la Mairie de Paris a décrété l’obligation pour toutes les plate-formes de réservation en ligne d’appartements de vacances d’enregistrer leurs logements auprès de son administration selon l’article L.324-2-1 du code du tourisme. Il semble que celles-ci ont traîné la patte pour s’inscrire , car le 11 décembre 2017, les cinq plate-formes, dont Air BnB arrive en tête dans la capitale française, ont été mises en demeure par la Ville de Paris, sous peine de poursuites judiciaires, de retirer les annonces où ne figuraient pas les numéros d’enregistrement.

Aujourd’hui, Paris est en tête des locations de meublés. Dans son principe, la chose semble idéale. On peut, avec un simple smartphone, réserver un appartement dans un quartier calme de Paris depuis n’importe quel endroit du monde. Pour les propriétaires d’appartements, c’est Byzance. Les prix des loyers de meublés sont étudiés pour être suffisamment intéressants pour les hôtes avec moins de charges administratives, et moins chers que les hôtels pour les clients. A Paris, par exemple, cela dépend du quartier, de la surface habitable ou de la proximité des lieux touristiques les plus courus, mais on pourrait estimer le prix de la location d’un appartement de deux pièces entre 600 et 1500 euros par semaine voire jusqu’à 4500 euros par mois. L’affaire juteuse et facile n’a pas échappé à des propriétaires, et ce développement débridé inquiète beaucoup de municipalités, y compris dans les temples qui prônent le libéralisme que sont New York et San Francisco surtout, comme à Paris où la pénurie de logement est cruciale. Un autre inconvénient est le transfert des nuitées hôtelières de l’hôtellerie traditionnelle à cette forme de séjours en meublés. A Paris, les nuitées annuelles de l’une ou l’autre des formules d’hébergement ont aujourd’hui atteint des chiffres équivalents, soit environ 80000 dont 60000 par Air BnB, ce qui a mis en émoi l’industrie hôtelière traditionnelle. Au départ, les métropoles ne voyaient aucun inconvénient à cette forme de location de logements de vacances par des particuliers, à condition qu’elle corresponde à une durée maximale de 120 jours par an. Or, flairant la bonne affaire, plusieurs propriétaires ont converti cette formule en une mise à disposition de leur logement à plein temps et toute l’année, ce qui, selon la Mairie de Paris, devient du business organisé. Depuis avril 2017, les propriétaires qui dépassent la limite fixée de location par la Mairie de Paris devraient recevoir un courriel de leur plate-forme leur rappelant cette réglementation.

Selon le quotidien Libération, la Mairie de Paris contrôle régulièrement les locations illégales, vérifiant chaque année entre 400 et 500 appartements. Les contrevenants reçoivent, pour l’instant, une amende de 25 000 euros par logement, montant qui pourrait prochainement quadrupler. Autre chose que la mairie de Paris a obtenu : la collecte par l’intermédiaire d’Air BnB d’une taxe de séjour de 83 centimes d’euros par nuitée. D’après le quotidien Le Parisien, Berlin mène une approche différente qui consiste en une obligation pour le propriétaire de ne louer le logement entier que pour une courte durée, et pour une plus longue période, seule pièce des appartements ou de la maison. Engelbert Lütke Dalrup, secrétaire d’Etat au logement, évalue à 10000 le nombre d’appartements qui ont dû être déroutés de leur attribution d’origine. En 2015, Berlin a construit 15000 logements neufs dans le but de loger les Berlinois, efforts qu’Air BnB menace de réduire à néant si des mesures draconiennes ne sont pas prises.

Gérard Blanc

Je pars

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