L’Afghanistan dans le miroir de ses médias – Kaboul, le vent des attentats


Kaboul et les provinces afghanes sont exposés à des attentats en nombre. La divergence entre les chiffres officiels, toujours donnés à la baisse, et ceux qui se précisent sont également sans surprise d’une fois à l’autre. Ils prennent pour cible aussi bien des mosquées, des restaurants, des mariages, des enterrements, hôpitaux, bâtiments abritant les médias, notamment.

Les faits

Samedi 20 janvier, à 21 heures 30 (heure locale)*, une attaque incendiaire et mortifère vient s’ajouter à la longue liste des attaques, cette fois à l’Hôtel Intercontinental de Kaboul. Une réunion d’échange d’informations des représentants de trente-quatre des provinces afghanes se tenait dans ce grand hôtel, qui subit là un deuxième attentat depuis 2006. Il a fallu plusieurs explosions pour maîtriser les attaquants en début d’après-midi dimanche.

Les médias n’ont pas pu s’approcher des lieux pour des raisons de sécurité. Le lendemain, quelques informations filtraient du côté des autorités. Le nombre des victimes passait de cinq – de source officielle – à soixante. Le chiffre précis sera connu peut-être un jour.

L’attentat a été revendiqué par les talibans et ensuite par le groupe Haquani. Ces masques de groupes mal définis ne servent pas de vrais repères dans cet océan d’opacité.

Il faut imaginer l’inquiétude des proches des victimes passant, pendant des heures, d’un hôpital à l’autre pour chercher le corps des leurs.

Parmi les personnes qui ont perdu la vie, il y avait des Afghans et des personnes venant des Etats-Unis et d’Ukraine, notamment. La proportion des Aghans tués est deux fois plus importante.

Alors que la fumée de l’incendie s’affiche encore sur la façade de l’Hôtel, les médias afghans informent la population par des débats.

Hier, 24 janvier, une attaque sur l’organisation Save the Children a eu lieu à Jalalabad, grande ville d’Afghanistan, dans la provice de Nagarhar. L’ONG a décidé de suspendre son bureau en Afghanistan.

Les médias afghans

On peut constater avec une recherche rapide sur la toile concernant l’attentat avec le mot «Afghanistan» que les grands journaux français tels que le “Monde” et d’autres traitent de l’Afghanistan, mais ce qui frappe c’est le nombre de morts qui revient en premier… Ni les attentats, ni le nombre de victimes ne peuvent servir de contexte pour comprendre le pays et la population afghane, encore moins en dehors du pays dans l’état actuel de l’information internationale sur l’Afghanistan.

Dans une émission récente, le représentant du Nai, association des journalistes indépendants afghans, Mugib Khalwatgar, rappelait la déontologie du regard journalistique et sa responsabilité à l’égard de l’histoire. Pour l’Afghanistan, la guerre se passe également dans la manière de rendre compte de ce qui se passe.

Il s’agit de ne pas interpréter une situation complexe par des simplifications. Par exemple, il citait un journaliste à qui un taliban avait déclaré qu’il ne le tuerait pas puisqu’il était Afghan et qu’il tuait les étrangers. C’est évidemment se moquer de la population afghane qui meurt jour après jour par la main des talibans et d’autres terreurs.

La guerre des images est à l’ordre du jour et les médias ont la responsabilité de ne pas participer – consciemment ou involontairement – à une propagande d’où qu’elle vienne. Il commentait les échos des médias afghans et étrangers ayant interprété l’attentat de l’Hôtel Intercontinental comme visant les étrangers, alors que le nombre de pertes afghanes sont deux fois plus élevées que les étrangers.

Les attentats se heurtent toujours aux mêmes questions que les gouvernants confient à des commissions, source de dépenses dans un pays épuisé par la guerre et l’indifférence générale, dont les résultats ne sont jamais connus ou livrés au public afghan. C’est dire si les médias et les journalistes afghans et leurs associations professionnelles se trouvent en première ligne en matière de liberté d’expression au prix de leurs vies.

Qui a programmé l’attentat de l’Hôtel Intercontinental? On apprend que les USA ont averti le gouvernement afghan que quelque chose se préparait contre un grand hôtel de Kaboul dans les semaines à venir. Pourquoi, alors, n’ont-ils pas agi en conformité du traité de coopération pour la sécurité signé avec l’Afghanistan? Pourquoi le gouvernement, son ministre de l’intérieur, n’ont-il pas pris des mesures? Pourquoi a-t-on engagé une compagnie de sécurité privée et sur quel critère pour assurer la sécurité de l’hôtel dont les clients sont afghans et étrangers? Et cela deux semaines avant l’attentat. Pourquoi le recrutement de cette agence de sécurité privée n’est pas clairement explicité? Ni un seul de ses membres nommés. Les spécialistes affirment que le déroulement et l’accès au lieu exigeaient une longue préparation et une aide de l’intérieur.

Et tant d’autres questions évidentes, historiques, sans réponse à ce jour. Elles concernent d’innombrables attentats restés sans explication rien qu’au cours de ces trois dernières années.

La fin de l’hiver, très rude, en Afghanistan annonce les oiseaux de malheur qui sortent de leur hibernation et signifie le début des attentats après un calme relatif. Depuis quarante ans!

Sima Dakkus Rassoul

*minuit en Europe

 

Image: capture d’écran tolonews

 

 

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