L’Afghanistan dans le miroir de ses médias, un choix de titre à clarifier


Depuis octobre 2016, j’écris dans la Méduse. L’Afghanistan y revient régulièrement.

PAR SIMA DAKKUS RASSOUL

Mes articles ont d’abord porté le titre de « chronique afghane » qui m’a paru rapidement abstrait et peu précis pour évoquer un pays dont les nouvelles sont soit inexistantes dans nos médias, soit se bornent à parler de la guerre et dénombrent les morts. Le contexte reste flou ou, au mieux, politiquement orienté.

À commencer par les canaux par lesquels les bribes de nouvelles afghanes nous parviennent. Occasionnellement qui plus est. C’est un problème d’un point de vue journalistique. Quelle est leur source? D’où viennent-elles? La crédibilité des nouvelles dépend de leur contexte. J’ai passé mon enfance en Suisse et suis native d’Afghanistan. Je suis de Kaboul et de Lausanne. Mon identité double racine se sent concernée par le monde en son entier et non seulement une de ses parties.

En septembre 2013, l’Afghanistan se préparait à des élections parlementaires – représentants des provinces et le Sénat. En même temps, il y avait des élections présidentielles. Karzaï, dont le gouvernement provisoire – après celui des talibans – avait été mis en place par les Accords de Bonn en 2001, avait accompli deux mandats en tant que président. Ces accords prévoyaient que le pays se donne un nouveau gouvernement. Il faut  noter que parmi les candidats, il n’y avait pas de femmes. Seul des huit candidats à la présidence, Zalmaï Rassoul avait opté pour l’unique femme gouverneure de Bamiyan à être à ses côtés avec Ahmad Zia Massoud.

C’est alors que je me suis donné pour tâche de suivre les nouvelles sur les médias afghans sur Internet. De nombreuses chaînes informent la population. En respectant et faisant respecter la liberté d’expression inscrite dans la Constitution afghane. D’aucuns peuvent penser que c’est une constatation partiale et un compliment facile. Plus de quatre ans d’écoute quotidienne me montrent le contraire. C’est un véritable service public, même si ces médias sont créés par des fonds privés. Dans cette guerre qui dure depuis plusieurs décennies, les médias sont la voix de la population.

Les journalistes afghans – femmes et hommes –  risquent non seulement leur vie, mais aussi de perdre leur travail en provoquant la colère des puissants. Ils ont tenu leur ligne avec courage dans des élections frauduleuses où la communauté internationale a joué un rôle décisif et peu reluisant. Quatre ans plus tard on en sait plus sur ces truquaques et leurs fomenteurs. L’Afghanistan s’est trouvé avec un gouvernement qui laisse passer au compte-goutte les informations dont les médias ont besoin pour leur travail.

L’autre pendant de cet effort national pour la transparence, ce sont les spécialistes afghans aussi bien politologues, juristes, diplomates, et de tous les domaines qui font partie de la bonne gouvernance. Eux et elles n’hésitent pas à observer et critiquer tout ce qui a mené et place le pays dans une situation dangereuse pour l’Afghanistan et pour le monde. La vigueur de leur discours fait rêver en nos démocraties.

La raison essentielle pour laquelle je m’explique est que je vis depuis plusieurs années des heures à l’écoute des médias afghans. Ce qui un travail et une expérience exceptionnelle de vivre, pour ainsi dire, dans deux réalités. Et je compare les rares nouvelles sur l’Afghanistan dans nos médias. Grâce à l’une des grandes langues littéraires du monde, le farsi-dari, je suis à même d’être témoin indirect de la situation. Sans les médias afghans, leur ténacité et leur courage, je ne pourrais pas donner aux lecteurs une idée exacte de ce qui se passe.  Étant née dans la culture afghane, je peux rester critique et ne pas être la copiste de la presse afghane. J’assume donc entièrement les points de vue que j’émets dans mes articles sur l’Afghanistan. Ses médias sont la source de mes informations et de mes interprétations. Mais comme eux, je garde ma liberté de penser et de m’exprimer. Comme eux, je veux que l’on ait une image moins caricaturale de ce grand pays et plus proche de sa réalité complexe étant donné sa situation géographique.

En tant que journaliste, je voulais que le lectorat sache pourquoi je réunis mes articles sous le titre générique de Afghanistan dans le miroir de ses médias.

 

Afghanistan on line – Mugeeb Aria

 

 

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