Les super-héros et Black Panther, des «histoires juives»


Les films de super-héros constituent un genre à part entière dans le cinéma.

PAR JACQUES GUYAZ

Ils attirent beaucoup d’amateurs, plutôt jeunes en général. Depuis le début de l’année en Suisse romande, le cinéma de super-héros a attiré 38% des spectateurs. Et Black Panther, le premier film avec un super-héros noir, est parti pour battre le record mondial de recettes.

Mais d’où viennent les super-héros? Ils nous apparaissent comme le symbole même de la culture populaire américaine, une sorte de métaphore de la lutte du bien contre le mal conduite par de grands bébés blonds et musclés dotés de pouvoirs extraordinaires. En fait la quasi-totalité des super-héros a été créée dans les années 30 et 40 par des fils d’émigrés juifs venus d’Europe centrale.

Jérôme Siegel, l’un des deux créateurs de Superman, est issu d’une famille juive de Lituanie et le second inventeur, Joseph Schuster, est l’enfant d’un Juif né à Rotterdam et d’une mère venue de la communauté israélite de Kiev. Ces immigrés sont arrivés à New York au début du 20e siècle et les premières bandes dessinées ont été publiées dans les journaux en yiddish, alors à gros tirage, à Brooklyn et dans le Bronx.

Ces dessinateurs et scénaristes juifs ont privilégié les histoires dessinées dans la presse plutôt que de travailler dans le monde de l’édition et de la publicité où régnait alors une certaine méfiance teintée d’antisémitisme. L’Amérique a toujours été dure avec ses immigrants qui ont dû se battre pour trouver leur place, comme le montrent d’innombrables œuvres de fiction, films et romans.

Superman & Co

L’apparition de Superman en 1938 et des autres super-héros a été interprétée comme une manière pour leurs auteurs juifs de pousser l’Amérique à lutter contre le nazisme. D’ailleurs Superman et ses émules se battent souvent contre des nazis. Siegel et Schuster ont créé leur personnage en s’inspirant de la légende du Golem, la créature créée par un rabbin de Prague au 16e siècle pour protéger les Juifs de la ville. L’imaginaire des super-héros des Etats-Unis est donc issu des légendes juives d’Europe centrale et n’a rien à voir avec les mythes proprement américains de la frontière et de la conquête de l’Ouest.

Black Panther, premier super-héros noir, a été créé en 1966, en pleine période du combat pour les droits civiques, par deux auteurs juifs, également fils d’immigrants d’Europe centrale: Jacob Kurzberg, dont les parents sont autrichiens, travaillait sous le pseudo de Jack Kirby et Stanley Martin Lieber, dit Stan Lee, était originaire de Roumanie. Kurzberg, ce pur produit de la culture juive européenne et new-yorkaise, est par ailleurs également le créateur de Captain America et des Quatre Fantastiques. Et voilà T’challa, le nom du héros de Black Panther, recyclé au cinéma 52 ans plus tard et devenu un succès mondial.

Un film à la gloire des populations noires comme on a pu le lire? Pas si simple. Le pays africain imaginaire du Wakanda, présenté comme technologiquement très avancé, est un royaume qui connaît un mode de succession assez original: le souverain est défié en combat singulier au bord d’une falaise et le perdant tombe dans le vide. C’est une manière de choisir un chef d’Etat qui en vaut bien d’autres, mais qui instille subtilement le message: ce peuple reste bien primitif. Les méchants du film sont d’autres Noirs, le seul Blanc est un gentil agent de la CIA un peu paumé. D’ailleurs le méchant ne l’est pas vraiment. Il se présente comme la victime d’un racisme anti-Blancs assez abstrait car à vrai dire imperceptible et, surtout, de la déloyauté de sa famille.

En fait ce film est tout simplement un excellent divertissement fort bien venu, conçu avec tout le savoir-faire hollywoodien. Dans le cimetière juif de Prague, Rabbi Yehuda-Leib commence à s’agiter dans sa tombe. Il aimerait bien que l’on n’oublie pas son Golem.

Domaine Public

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