Dans son dernier roman, Emilie Salamin-Amar part au pays des Maléfices, en quête d’une mystérieuse disparition


Voyager avec la romancière Emilie Salamin-Amar, au pays des Maléfices, c’est partir en quête d’une mystérieuse disparition.

PAR SERÈN GUTTMANN

Celle d’une sœur très aimée dont les signes de vie se sont soudain, inexplicablement, interrompus. Elle avait 29 printemps. Il s’agit du 29ème opus de l’auteure. Nul hasard si, pour la première fois, cette écrivaine originale, pleine de fantaisie et d’humour nous convie à partager cette biographie à peine romancée. Avec pudeur elle évoque la trame tragique de vies familiales bouleversées, mère, sœurs absentes définitivement, oubliées des vivants dont elle rallume ici flamme et souvenir.

Ce livre relate le voyage, sans retour, de sa sœur Mary partie en Guyane en 1968 comme employée d’un bureau de la station spatiale de Kourou. Le fil d’Ariane tendu par le photographe et réalisateur Philippe Lafaix, auteur de documents sur la Guyane, censurés par les TV française et suisse romande, permet à l’écrivaine de remonter le temps sous le regard et l’écoute attentive de son interlocuteur. De l’enfance auprès d’un père veuf tout puissant, s’octroyant de multiples droits sur ses filles y compris des attouchements, jusqu’à la dispersion de la famille dessoudée et porteuse de secrets irrévélables, elle raconte l’absence, les questionnements sans fin.

Qui détient la vérité sur la vie de Mary en Guyane, sur sa mort annoncée sans cause officiellement reconnue, contestée, sur un lieu de sépulture introuvable? Pourquoi l’enquête à Cayenne se révèle-t-elle si complexe, si dangereuse au point d’obliger Lisa, la sœur bienveillante et survivante, à fuir la Guyane? Y aurait-il des liens entre les autorités et l’ancien ingénieur, amant de Mary, devenu orpailleur dont les mensonges et le déni accompagnent de menaces de mort ses réponses aux interrogations de Lisa? Hors des circuits balisés autour de Kourou, c’est toujours la loi de la jungle qui prévaut. La vie n’y vaut pas cher. On peut payer un tueur quelques euros. Les cadavres sont retrouvés dans la rivière. Il y aurait même deux cimetières, un, officiel pour les décès naturels et un autre, clandestin, pour les assassinés. Mieux vaut sortir porteur d’une arme ou escorté par un garde armé. La Guyane française, ce bout de terre colonisé au milieu du XVIIème siècle, situé en Amérique latine entre Surinam et Brésil a été nommé «Le pays des Maléfices» par ses voisins martiniquais, compatriotes d’outre-mer…

 Au bout de ce voyage la romancière nous offre un rai de lumière par un de ces retournements et clins d’œil dont elle a le secret. 

Dévastation létale
Kourou, centre spatial implanté en 1965, représente 50% de l’activité économique totale de la Guyane. Parmi les collectivités d’outre-mer (COM) la Guyane est un territoire où la précarité, la misère, l’insécurité et la violence sont extrêmes. Le chômage touche 22% de la population, 40% des élèves quittent l’école sans diplôme. La population double tous les 20 ans. Durant 100 ans, de 1852 à 1953 la Guyane française a été synonyme de terre de bagnes, dite «terre de la grande punition», image de l’horreur. 70’000 forçats y furent déportés. Au XIXème siècle 90% des bagnards mouraient de paludisme ou de fièvre jaune, l’espérance de vie n’était que de quelques mois. Les femmes y subirent de plus graves contraintes car doublement soumises aux lois iniques et aux hommes.
Aujourd’hui sur 500 sites illégaux, on estime à 10’000 le chiffre d’orpailleurs clandestins. La forêt est détruite par bulldozers, l’alcool, les drogues, la prostitution, les maladies sont le lot de ces chercheurs d’or. Les Amérindiens, population d’origine, subissent empoisonnement au mercure, destruction de leur environnement, ne disposant d’aucun moyen pour lutter contre cette dévastation létale. S.G.

«Au pays des Maléfices» d’Emilie Salamin-Amar. Biographie romancée, Editions Planète Lilou 2018

L’Essor

 

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