La densification a bon dos. Des forêts de grues remplacent les arbres sacrifiés, plus un brin d’herbe. Et souvent sans la moindre conception d’ensemble: on construit n’importe quoi, n’importe où et n’importe comment. Bourrage et bétonnage sont aujourd’hui les mamelles du développement urbain, au mépris de toute considération de santé publique. Et l’on va jusqu’à édifier des immeubles d’habitation dont les fenêtres donnent sur les trottoirs et les balcons sur des carrefours bruyants et polluants. Quant à parler d’urbanisme, cet emplâtre sur une jambe de bois, les historiens du futur constateront que le terme est apparu au moment où l’urbanité était en train de disparaître et lorsqu’on on ne savait plus construire des villes …
Y a-t-il encore aujourd’hui des architectes dignes de ce nom ? On peut se poser la question en observant l’écrasante majorité des constructions récentes, à quelques exceptions près médiocres ou extravagantes, qui défigurent nos villes. Question subsidiaire: à quoi servent les Ecoles d’architecture, sauf à produire des discours aussi creux que prétentieux ? Partagée entre marchandisation et vedettariat, la profession semble aujourd’hui trop souvent coincée entre la spéculation immobilière et la compétition. Fascinée par l’appât du gain ou en quête d’une gloriole consacrée sur papier glacé dans des publications prestigieuses, elle semble oublier sa vraie raison d’être, qui n’est ni de flatter l’ego du maître d’œuvre ou celui du concepteur, ni de rentabiliser un terrain, mais de se mettre au service des habitants et de leurs besoins plutôt qu’à celui des promoteurs. Faudra-t-il aller chercher dans le Tiers-monde pour retrouver des projets à responsabilité écologique, éthique, politique et sociale ?
Philippe Junod