Lettre de Lima – Que se vayan todos! dans un Pérou gagné par la colère


Que se vayan todos! Qu’ils s’en aillent tous!

PAR PIERRE ROTTET

Plusieurs milliers de Péruviens sont descendus par deux fois dans les rues ces derniers jours à Lima et dans les principales villes du pays, pour réclamer un grand coup de balai dans le monde politique et judiciaire.

A Lima, comme ailleurs dans le reste du Pérou, le climat est plus que jamais à la défiance. Après les hommes politiques, du bas en haut de l’échelle hiérarchique, tant au niveau des communes, des départements ou de l’Etat, congressistes et derniers présidents compris, impliqués dans la tourmente de la corruption, c’est au tour de l’ensemble du système judiciaire de s’effondrer.

Le 7 juillet dernier, un groupe de journalistes d’investigation, « IDL Reporteros », a diffusé des enregistrements de conversations téléphoniques de juges et membres de la Cour Suprême. Tous négociaient des peines en s’adonnant au trafic d’influence.

La crise institutionnelle a ainsi obligé le ministre de la Justice a donner ces jours sa démission, tout comme les présidents de la Cour suprême et du Conseil national de la magistrature, entraînés dans ce tsunami qui emporte peu à peu nombre d’autres magistrats.

Du jamais vu! Le pouvoir judiciaire a décrété l’état d’urgence pour 90 jours, le 19 juillet. Pris en tenaille, le président de la République, Martin Vizcarra, a dû se résoudre à convoquer le Congrès pour suspendre tous les membres du Conseil national de la magistrature. En attendant un projet de réforme de la justice. Doublé d’un possible référendum annoncé le 28 juillet après le scandale qui ébranle pouvoir judiciaire et classe politique. Ainsi que l’ensemble du peuple. Même si ce dernier est largement convaincu par avance et depuis longtemps du pouvoir de la corruption au Pérou.

Martin Vizcarra a été porté au pouvoir en début d’année 2018 après la chute du président élu Pablo Kuczynski, balayé par la tourmente de la corruption, au même titre que ses prédécesseurs, les Humala, Toledo et Garcia (deux mandats), tous sous le coup d’enquêtes. Sans parler du dictateur Fujimori, le mage de la corruption avec son compère et bras droit Montesinos.

«Pouvoir et une partie des médias tentent de minimiser la portée des marches de protestations dans l’ensemble du pays», confie à Lima Reynaldo, un observateur de choix de la vie politique péruvienne, en sa qualité de journaliste. «En réalité, les manifestations massives de la rue symbolisent la grande indignation et l’immense colère de la population. Semblables à ce que nous avions connu juste avant la fin de la dictature de Fujimori et de son acolyte Vladimir Montesinos ».

Des éléments qui poussent aujourd’hui le président actuel à réagir, en annonçant au Congrès la tenue d’un référendum, cet automne, afin de permettre aux citoyens de se prononcer sur une possible réforme constitutionnelle du pouvoir judiciaire et pour lutter contre la corruption. Le référendum pourrait en outre porter sur une réélection du Congrès.

La crise n’épargne personne. Et surtout pas – mais est-ce là une nouveauté ? -, le monde du ballon rond, avec une Fédération péruvienne de football (FPF) déjà largement éclaboussée par les affaires de corruptions au sein de la FIFA. Son actuel président, Edwin Oviedo, vient en effet d’être accusé d’avoir monnayé voyages, hôtels et entrées au Mondial 2018 en Russie avec le juge de la Cour suprême, Cesar Hinostroza, lui-même pris dans les filets de l’enquête des journalistes.

D’autres manifestations massives sont attendues dans un Pérou gagné par la colère. Pour dire que « tous doivent s’en aller ». Que se vayan todos…

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