Vaccins et médicaments, intérêts privés et santé publique


Pénurie de vaccins, médicaments inefficaces, prix exorbitants, mensonges et corruption, jusqu’à quand laissera-t-on les entreprises pharmaceutiques imposer leur loi, celle du profit?

PAR JEAN-DANIEL DELLEY

Au début de l’été, on annonçait une pénurie de vaccins, notamment pour les enfants en bas âge et contre le tétanos. Cette situation n’a rien d’exceptionnel, elle survient quasiment chaque année. En cause: un marché dominé par deux sociétés – la britannique GlaxcoSmithKline et la multinationale française Sanofi – et une production concentrée dans de grandes unités dont les défaillances peuvent mettre en péril l’approvisionnement.

La Suisse ne fabrique plus de vaccins. Ainsi Novartis s’est désengagée de ce secteur peu rentable. On observe un même désintérêt pour le développement de nouveaux antibiotiques dont le traitement, de courte durée, ne garantit pas un volume d’affaires suffisant. Un mémo de la banque Goldman Sachs destiné aux investisseurs dans le secteur pharmaceutique l’avoue ouvertement: misez sur des marchés solvables et des maladies qui provoquent durablement de grandes souffrances.

Pas de problème de production par contre quand le marché s’annonce juteux, comme lors de l’épidémie de grippe de 2009. Grâce au Tamiflu, Roche a encaissé des milliards pour un médicament qui ne s’est pas avéré plus efficace que les produits traditionnels. En cause le laxisme de Swissmedic, l’instance qui autorise et surveille les produits thérapeutiques. Car si les industries pharmaceutiques (ci-après: pharmas) doivent fournir les résultats de leurs études cliniques, elles se gardent bien de transmettre les informations qui pourraient nuire à l’autorisation de leurs produits. Ce qui peut conduire Swissmedic à autoriser des médicaments inefficaces voire même dangereux.

Ces études cliniques, les pharmas suisses les ont largement délocalisées dans des pays émergents, moins regardants sur les normes éthiques qui devraient prévaloir en l’espèce. Public Eye (anciennement Déclaration de Berne) a mené l’enquête et mis à jour des pratiques inacceptables.

Le manque de transparence caractérise également la formation du prix des médicaments. Les pharmas n’ont pas à dévoiler leurs coûts de recherche ni de développement. Elles peuvent donc impunément surévaluer ces coûts, ce qui leur permet de fixer des prix garantissant une rentabilité élevée.

Modèle d’affaires et pratiques à revoir

Le modèle d’affaires des pharmas ne s’embarrasse pas trop de considérations éthiques ni du respect du cadre légal. Les procédures judiciaires à répétition et les amendes auxquelles ces entreprises sont condamnées pour corruption et tromperies le prouvent. Tout comme les sommes astronomiques consacrées au marketing, parfois supérieures aux dépenses de recherche, qui peuvent influencer les prescriptions des médecins.

Denknetz, le réseau de réflexion de la gauche helvétique, a mis en évidence la contradiction entre ce modèle d’affaires qui vise le profit et une politique de santé publique qui promeut des soins tout à la fois efficaces et accessibles pour tous. Nous avons exprimé nos doutes quant à la faisabilité d’un service public de la recherche et du développement pharmaceutiques concurrent du secteur privé, tel que suggéré par Denknetz (DP 2172).

Dans l’immédiat, quelques mesures simples devraient permettre de brider la toute puissance des pharmas. Tout d’abord exiger de ces dernières une totale transparence des études cliniques justifiant l’autorisation de leurs produits. Exiger ensuite une même transparence concernant les coûts de recherche et de développement de manière à fixer des prix de vente adaptés à ces coûts. Appliquer de manière plus stricte le droit des brevets afin que la propriété intellectuelle ne puisse plus servir de prétexte à la mise sur le marché de fausses innovations, dans le seul but d’écarter la concurrence.

Vu le volume de leurs exportations et le nombre des emplois qu’elles offrent, les entreprises pharmaceutiques constituent des poids lourds dans l’économie nationale. Elles ont donc l’oreille des autorités politiques. A nous d’exercer les pressions nécessaires pour que ces dernières cessent de privilégier des intérêts économiques au détriment de la santé publique.

Domaine Public

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