Le Brésil dans tous ses états…


Or donc, le Comité des droits de l’homme de l’ONU est sorti du bois.

PAR PIERRE ROTTET

Histoire de demander au Brésil d’autoriser l’ancien président Lula à participer à l’élection présidentielle, programmée les 7 et 28 octobre prochain. La démarche a peu de chances d’aboutir pour le désormais candidat à un nouveau mandat, actuellement détenu pour corruption et blanchiment d’argent. Ce comité est constitué d’experts des droits civils et politiques. Il statuait sur une demande urgente déposée par les avocats de Lula le 27 juillet à Genève. La requête restera sans doute lettre morte auprès du pouvoir judiciaire, et plus précisément de la cour suprême du Brésil et du Tribunal supérieur électoral. A moins que…

Un sacré enjeu, compte tenu des intérêts économiques et politiques, avec les scandales qui secouent ce pays, dit en passant septième économie mondiale avec un PIB de 2’396 milliards de dollars en 2012 selon la Banque mondiale! A se demander où tout cela passe. A qui cela profite. J’ai bien une petite idée, même une idée tout court. Pas dans les favelas, à coup sûr. Surtout que le Brésil est le troisième pays le plus inégalitaire d’Amérique latine.

Lettre morte, certes, disais-je, mais à haute valeur ajoutée en matière de symbole, dans ce pays miné, gangréné à tous les niveaux de l’Etat, politique et judiciaire. A l’instar de ce qui se passe ailleurs en Amérique du Sud, un sous-continent malade de sa corruption, de ses dérives, de la gauche à la droite de l’échiquier politique.

Dans sa déclaration, le Comité des droits de l’homme de l’ONU « demande au Brésil de prendre toutes les mesures nécessaires pour permettre à Lula – candidat officiel du PT – d’exercer ses droits politiques depuis sa prison, comme candidat à l’élection présidentielle ». Cela, indique ledit Comité, tant que tous ses appels en justice n’auront pas été examinés.

Reste que la démarche pourrait ne pas être fortuite. Ecarté de la présidentielle, Luiz Inacio Lula da Silva, dirigeant historique du Parti des Travailleurs (PT) – il a été deux fois chef de l’Etat en 2003 et 2010 -, populaire s’il en est malgré ses déboires judiciaires, fait malgré tout largement la course en tête dans les sondages et les intentions de vote. Emprisonné et apparemment éliminé de la présidentielle sur une – des – décision(s) de justice plus que discutables, aux relents politiques certains, il laisse désormais le champ libre à Jair Bolsonaro, 63 ans, dont la présence au second tour est quasiment acquise. Au point d’inquiéter l’establishment. On le comprendrait à moins.  Au-delà de son credo anti-corruption, Jair Bolsonaro est connu pour ses discours homophobes, racistes et misogynes. A côté, et c’est peu dire, Trump fait figure d’enfant de choeur, les mouvements populistes d’extrême droite en Europe sont des apprentis sorciers.

Candidat nostalgique de la dictature militaire de 1964 à 1985, il prônait il n’y a pas si longtemps une « guerre civile » pour, disait ce mauvais clone de Trump, « sauver » le pays. Dans un Brésil, l’un des pays parmi les plus violents au monde, il promet ni plus ni moins de faciliter l’accès au port d’arme. Autre point commun avec son mentor américain, il assure qu’il sortira son pays de l’accord de Paris sur le climat. Partisan de la peine de mort, il s’oppose avec virulence aux quotas dans les universités en faveur des minorités. S’ajoute le fait que le bonhomme a été condamné en 2017 à indemniser la députée de gauche Maria do Rosario pour avoir dit trois ans plus tôt qu’elle ne méritait pas d’être violée car elle était « très laide ». Même Trump n’aurait pas osé…

Actuellement second dans les sondages, loin derrière Lula – mais largement devant la douzaine d’autres candidats, hormis la candidate écologique Marina Silva, qui pointe à 3 ou 4 points seulement de Bolsonaro -, le député à la droite des extrêmes, est actuellement inculpé pour «racisme» à l’égard des communautés indigènes et des femmes. Entre autres. S’il confirmait cette inculpation, et en le condamnant avant octobre, le Tribunal suprême fédéral pourrait de fait empêcher Jair Bolsonaro de se présenter à la présidentielle. Sauf que la lenteur à deux vitesses de la justice brésilienne devrait jouer en sa faveur, estiment nombre d’observateurs au Brésil.

Dans une société brésilienne divisée qui s’interroge sur la fiabilité de ses institutions, sur la crédibilité de ses hommes politiques et de la justice, le député fédéral est devenu en peu de temps le champion des courants de l’extrême droite, des courants réactionnaires, proche des paramilitaires, de l’Opus Dei et des églises évangélistes sous influence étasunienne dans ce qu’elles ont de plus extrémiste.

Lourde responsabilité pour ceux qui devront se prononcer sur la requête du Comité des droits de l’homme de l’ONU.

Tags: , , , , , , , ,

Mentions légales - Autorenrechte

Les droits d'utilisation des textes sur www.lameduse.ch restent propriété des auteurs, à moins qu'il n'en soit fait mention autrement. Les textes ne peuvent pas être copiés ou utilisés à des fins commerciales sans l'assentiment des auteurs.

Die Autorenrechte an den Texten auf www.lameduse.ch liegen bei den Autoren, falls dies nicht anders vermerkt ist. Die Texte dûrfen ohne die ausdrûckliche Zustimmung der Autoren nicht kopiert oder fûr kommerzielle Zwecke gebraucht werden.