“Messieurs les Conseillers fédéraux, vous devriez prendre vos distances par rapport aux lobbies” – Lettre ouverte à Alain Berset et Johann Schneider-Ammann


Messieurs les conseillers fédéraux,

Votre gestion du secteur de la santé et du secteur agricole révèle des failles systémiques graves qui mettent en danger l’avenir de ces deux secteurs fondamentaux pour la société civile.

En ce qui concerne le secteur de la santé, l’augmentation constante des coûts et des primes d’assurance illustre une fois de plus la cécité incroyable des Autorités – Conseil fédéral, Parlement et partis politiques.

Le marché de la santé – produits pharmaceutiques, services médicaux et assurance – est fermé et échappe à la concurrence internationale. La cartellisation et la protection du marché suisse entraînent une augmentation constante et logique des coûts de la santé. En protégeant les acteurs du secteur de la santé – industrie pharmaceutique, hôpitaux, professionnels de la santé – le parlement oblige les habitants de ce pays à régler des factures qui ne cessent de grimper. Le fait que les suisses soumis au régime LAMAL ne puissent solliciter leurs assurances pour régler leurs coûts de santé à l’étranger confère au secteur national de la santé une position de monopole inacceptable. La LAMAL est en fait un instrument de torture au service du capital !

En outre, de trop nombreux acteurs du service de la santé ne recherchent pas a priori l’efficacité, quitte à entretenir certains petits problèmes de santé ici ou là… Il suffit de comparer les résultats de traitements en Suisse et à l’étranger dans le domaine de la physiothérapie, par exemple, pour voir à quel point l’efficacité des prestataires suisses ne fait pas le poids face à l’offre étrangère. Enfin, notre système économique incite le citoyen à la consommation, pas à la prévention : il faut faire marcher le système, et tant pis si c’est au détriment de la santé et du porte-monnaie des habitants. Les assurances n’y sont pour rien : leur mission s’apparente à celle d’une meute de chiens de chasse chargés de rabattre le gibier.

Pour sortir de ce piège il faut rapidement ouvrir le marché de la santé à la concurrence internationale : accepter que les assurances étrangères puissent intervenir sur le marché suisse et, surtout,  permettre aux assurances suisses de couvrir les coûts de santé des suisses qui veulent et peuvent se faire soigner à l’étranger : ceci d’autant plus que des thérapies essentielles, vitales même, n’existent pas toujours sur le marché suisse mais sont disponibles dans des pays en voie de développement ! La Suisse serait-elle alors dans le domaine de la santé un pays en voie de sous-développement ?

Autant les acteurs suisses de la santé sont protégés de la concurrence étrangère, autant les agriculteurs sont soumis à la pression des marchés étrangers : et les patrons de l’industrie pharmaceutique ainsi que les médecins se remplissent les poches alors que les agriculteurs n’arrivent plus à nouer les deux bouts !  Vous précarisez une part croissante de la population suisse et favorisez les nantis. Un développement étrange pour  une démocratie directe !

Curieusement, le débat sur l’agriculture se limite à la différence des prix des produits suisses par rapport aux prix des produits étrangers. Pourtant, la fonction de l’agriculture ne se limite pas à la production de produits alimentaires : elle remplit au contraire une fonction essentielle dans la démographie (répartition de la population sur le territoire national), la protection des paysages, la stabilisation des sols et le contrôle de l’impact du réchauffement climatique. Méconnaissez-vous à ce point la fonction de l’agriculture dans un pays de montagnes qu’est la Suisse?

Messieurs les Conseillers fédéraux, vous n’êtes manifestement pas à la hauteur de vos responsabilités sociales et politiques. Vous devriez plutôt veiller au bien-être des citoyennes et des citoyens, et prendre vos distances par rapport aux lobbies. 

Prof. Dr. Jean-Daniel Clavel, Dipl. Ing. ETHZ & Lic. oec. publ., 1824 Caux

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