Décès d’André Paul, peintre et dessinateur lausannois


La Maison du Dessin de Presse à Morges a appris avec émotion et tristesse le décès d’André Paul, survenu à Lausanne au matin du vendredi 9 novembre 2018, dans sa 99e année. Un seigneur du dessin de presse s’est éteint.

PAR PASCAL PELLEGRINO*

«Notre papa a déposé définitivement ses crayons et sa plume ce matin du 9 novembre 2018 à 7h30. Il a tiré sa révérence avec bravoure et élégance, comme toujours.» C’est par ces mots d’Agnès Brun et Geneviève Perret, les deux filles de Paul-André Perret, que nous avons appris la disparition de ce dessinateur et peintre lausannois, «papa» des dessinateurs de presse romands.

Avec plus de huitante ans d’activité artistique au compteur, André Paul (son nom d’artiste) allait célébrer ses 99 ans le 27 décembre prochain.

Originaire de La Sagne (NE) et né au Locle le 27 décembre 1919, il a fait ses classes  primaires à Bienne, où son talent pour le dessin a été remarqué très tôt. Après l’Ecole des arts industriels du Technicum de Bienne, il complète sa formation de graphiste à Paris à l’Ecole nationale supérieure des Arts décoratifs. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, il choisit une carrière de dessinateur publicitaire pour des grands magasins (à l’époque, ces objets étaient dessinés plutôt que photographiés). En 1948, Il épouse Anne-Marie Terrier, qui lui donnera deux filles, Agnès et Geneviève, et qui décédera en 1980.

La grande histoire d’amour avec le Pays de Vaud débute en 1949, lorsqu’il s’établit à Lausanne. Eh oui, vous avez bien lu: celui qui a le mieux dessiné les Vaudois et qui a su représenter comme personne l’âme de ce canton… était Neuchâtelois d’origine!

Ses premiers dessins de presse paraissent dans L’Illustré, puis c’est la rencontre avec Jack Rollan en 1952 et la folle aventure du «Bon Jour de Jack Rollan» jusqu’en 1959, un hebdomadaire qui sera tiré jusqu’à 100’000 exemplaires. Cette collaboration foisonnante ancrera André Paul dans le cœur des Vaudois, avant la consécration avec son dessin dominical dans La Tribune de Lausanne, qui deviendra Le Matin dès 1972. Il collabore à beaucoup d’autres titres de presse (comme La Suisse ou la WeltWoche), mais refusera les avances du Canard Enchaîné. Pour l’anecdote, deux de ses dessins paraîtront dans le New York Times!

En parallèle, André Paul réalisera une magnifique et prolifique carrière dans l’illustration, notamment pour une quarantaine de San Antonio de Frédéric Dard, L’Humour gourmand chez Nestlé, ou le Livre d’or du centième anniversaire de la société d’étudiants Valdesia.

L’incroyable talent d’André Paul, c’est que son style est reconnaissable au premier coup d’œil. Sans la moindre parole, son dessin se définit par un trait précis et rapide, quasi sans retouches. Chez lui, il y a toujours une tendresse malicieuse et complice et puis cette remarquable aptitude à dessiner des personnages en mouvement. Enfin, sa constante délicatesse fait qu’on ne peut que rire de bon cœur à ses caricatures. Car le dessin d’André Paul n’est jamais cruel. «Il y a une différence entre dérision et vacherie: j’essaie d’avoir pour les autres l’indulgence que je m’accorderais à moi-même», confie-t-il à ce propos à son ami Etienne Delessert dans un film de la série Plans Fixes qui lui a été consacré en 2010.

Dans ce même documentaire, André Paul est interrogé sur l’au-delà et la personne qu’il aimerait y rencontrer. Il répond: «Peut-être Honoré Daumier (grand caricaturiste français du 19e siècle) qui me paraît assez sympa ou alors des gens que j’ai connus sur terre: comme ils sont là depuis plus longtemps, ils pourraient m’indiquer comment il faut pratiquer!» Puis l’interview se termine sur la question du bonheur: «Si je suis un homme heureux? Je ne me suis jamais posé la question. En y réfléchissant c’est peut-être ça, être un homme heureux.»

Un dernier mot pour indiquer qu’en été 2019, la Maison du Dessin de Presse à Morges va consacrer l’exposition maîtresse de son dixième anniversaire à André Paul sous le titre: «Dessins de pressoir». L’artiste était heureux de cette perspective et se disait prêt à «reprendre ses crayons pour l’occasion».

*Directeur de la maison du Dessin de Presse à Morges

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