Pour la Suisse, le coût moyen du stress est évalué à 4,2 milliards de francs


Pierre Duffour, pour avoir été durant 15 ans chez d’un service social spécialisé dans l’accueil des personnes addictes, vous avez rapidement constaté l’importance des maladies psychiques et son étendue dans notre société. Selon les chiffres du SECO, un Suisse sur trois se sent stressé au travail. Le burn-out touche de plus en plus  de personnes. Quelles en sont les raisons?

Ce chiffre est en augmentation depuis 10 ans. Entre 2000 et 2010, le nombre de personnes souffrant de stress chronique est passé de 26,6% à 34,4 %. Les nouveaux dirigeants ne sont plus en lien avec leur métier, ils formulent d’un côté des objectifs et de l’autre enregistrent des performances. Ces injonctions s’accompagnent d’un développement du contrôle incluant plus de conformité et de discipline. C’est un nouvel ordre social qui dégrade la qualité et génère une détérioration de la santé mentale. Le défaut d’entraide dans le travail oblige chacun à fournir des efforts supplémentaires provoquant une explosion des pathologies de surcharge. Le management se concentre sur la production des chiffres produits par sondages qui ne peuvent sonder le travail  réel que si les activités sont standardisées au préalable. Un vrai contresens dans certaines activités économiques.

Une conséquence terrible est le suicide au travail que vous décrivez comme un phénomène nouveau…

Le fait de se suicider sur les lieux de travail est nouveau depuis 20 ans et est dû à l’isolement,  voire l’isolation. Hannah Arendt parle du “sol qui se dérobe sous les pieds”. La situation actuelle concernant le burn-out et le nombre de suicides au travail pose un problème de société. Pour la Suisse, le coût moyen du stress est évalué à 4, 2 milliards de francs.

L’obligation de recourir à l’antidépresseur sera-t-elle intégrée bientôt dans les contrats de travail?

Actuellement, le burn-out est souvent traité uniquement dans la sphère privée, traitement individualisé, recherche du bien-être, médicament et hospitalisation, renvoyant  l’individu à sa fragilité, isolant et culpabilisant la victime tout en ignorant la responsabilité de l’organisation du travail. C’est une conception anglo-saxone qui préfère parler du stress. Celui-ci viendrait de l’extérieur du corps faisant partie de l’environnement et agresserait tous les salariés  de la même façon, sous-entendue, seuls les plus faibles succombent. Cependant, les recherches en psychodynamique du travail  soutenu par le Professeur Dejours et une partie des études récentes menées au Japon mettent à mal cette théorie et analysent différemment la situation en reprenant le concept de travail vivant et démontrant que l’organisation du travail peut améliorer ou aggraver la santé mentale. Les syndicats sont trop absents de ces débats. Le dialogue et la convivialité sont les meilleurs remparts contre le mal-être au travail. Les conclusions des enquêtes menées sont unanimes, ces suicides ne prendront fin qu’avec une transformation de l’organisation du travail.  

Propos recueillis par Christian Campiche

contact : pierreduffour@gmail.com 

Photo: DR

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