Vidy, l’art et l’enfance


Quelle sensation que d’entrer dans une salle de théâtre vide, choisir sa place et, soudain, comme d’un coup de baguette magique, sentir une jeunesse pleine de souffle investir les chaises rouges. Du mouvement, de l’énergie…

Telle fut la première des Séparables au Théâtre de Vidy Lausanne, lors d’une représentation scolaire! Il s’ouvre à tous les publics jusqu’au 15 décembre. Ses résonances touchent les questions en profondeur de notre société.

Le spectacle créé à Am Stram Gram à Genève en janvier 2018  est la dernière mise en scène de Dominique Catton, fondateur de ce théâtre pour jeune public, en complicité avec Christiane Suter. Il a joué un rôle très important dans le théâtre romand et s’en allé vers d’autres cieux en septembre dernier. Une belle histoire dans le théâtre romand de réunir le fondateur et l’actuel directeur d’Am Stram Gram dans une si belle oeuvre.

Tout dans la mise en scène de Dominique Catton et Christiane Suter respire cette intelligence et cette sensibilité à laquelle le jeune public est particulièrement attentif. L’architecture scénographique, les sons, les éclairages, autant de langages scéniques qui entrent en vibration avec  le très beau texte de Fabrice Melquiot. Une convergence esthétique de l’ensemble qui donne du plaisir et convainc.

© ArianeCattonBalabeau

Il était une fois le monde. Celui d’aujourd’hui, rude dans sa confusion et sa difficulté, est pourtant plein d’amour. Et l’amour est aussi inséparable de la séparation. Roméo et Juliette, Majnoun et Leila, chaque culture a son propre mythe de l’amour. Et c’est là que se situent les barrières entre les deux enfants des Séparables. La séparation, inévitable apparemment, ne peut empêcher cet essentiel amoureux d’avoir eu lieu.

Les réactions du jeune public dans la salle montraient que l’évolution des sentiments des personnages dans le jeu tout en finesse des comédiens (Antoine Courvoisier et Nasma Moutaouakil), faisait mouche. Enfants en prise avec la construction d’identité et de l’attirance de la différence qui est le point fort à un moment où l’on se cherche. Se rêver Sioux pour y construire des racines à soi pour Sabah, se rêver chevaucher un cheval de bois pour créer sa propre réalité pour Romain. La force de l’imaginaire qui permet de dépasser les contradictions de la réalité ne quitte jamais l’esprit d’enfance dont l’art est le lieu sacré.

« À quoi bon établir des constats théâtraux bien trop ficelés, dresser d’implacables procès-verbaux dramatiques ? Préférons-leur les chemins buissonniers, les sentes poétiques, les routes de terre battue, les lignes de crêtes, qu’empruntent les enfants qui ne se soumettent pas à la dure loi des pragmatiques ».

Cette affirmation de l’auteur donne le ton juste dans l’environnement de l’écriture théâtrale d’aujourd’hui . L’heure n’est plus aux dogmes et bonnes intentions, ni dans le fond, ni dans la forme. La réalité contemporaine exige une observation, qui comme toute chose neuve, crée de nouvelles règles, un renouvellement esthétique et fédère de nouvelles compréhensions. L’art du théâtre permet d’ouvrir toutes ces portes. Et le public, jeune ou moins jeune, le mérite bien.

Sima Dakkus Rassoul

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