J’ai ressenti au Cambodge comme une espèce de vague tristesse qui flotte dans l’air, comme une cicatrice qui serait encore douloureuse


Vite, vite, c’est le dernier moment, je rentre dans quelques jours, mais encore quelques dernières petites chroniques avant de fermer le livre…

Un cours de massage, quelques massages histoire de se faire triturer la musculature et les tendons, quelques sessions de « body roller » – une idée originale de Mike, un Chinois des US: on pose un rouleau plus ou moins grand sur différentes parties du corps (muscles) et on s’appuie…oui, ça fait mal et ça fait du bien!- quelques pad thai et salades de papaye verte, un psychodrame (pas grave!), une virée à vélo dans la campagne thaie et voilà, 15 jours à Chiang Mai, ça passe comme un éclair. La ville se développe doucement, mais sûrement, la grande ville du nord de la Thailande est devenue aujourd’hui ce qu’était Bangkok en 1975…

A peine refermé le manuel du cours de massage, un dernier repas en bonne compagnie sur les bords de la rivière Ping, et à 2 h de vol de Chiang Mai, plongée dans l’Indochine, avec tout ce que ce nom  véhicule de rêves, de voyages, d’images cinématographiques et littéraires… Mais aussi de tout ce que ces lieux évoquent de guerres, de batailles et de sang… Pour le moins, le Mékong n’a jamais été un long fleuve tranquille! 

Hanoi – une surprise… le temps est à la grisaille, les sommets des hautes tours moches, désincarnées genre HLM de la campagne périphérique se perdent dans le brouillard. “C’est le printemps, c’est comme ça ici, et l’hiver est long et froid et humide. Pas de chauffage dans les maisons”, souligne Nga, ma guide, avant de préciser que si elle, elle aime sa ville, la moitié de sa famille est allé vivre dans le Sud, au climat plus chaud (pas moins humide…) et à la mentalité plus ouverte et plus chaleureuse…

En ville, les « maisons-tubes », hautes (4-5 étages) et étroites (la largeur d’une grande fenêtre) mais très profondes remplissent les rues du centre ville. La maison ici est taxée en fonction de sa surface sur rue. D’où ces constructions étonnantes, toutes d’un style différent…

Le « spa » public de Hanoi vaut le détour. Accueillie un peu rudement (le temps du communisme pur et dur a laissé des traces) et en vietnamien, pas d’anglais, on me désigne un grand bac en bois rempli d’une eau sombre, une odeur de coriandre flotte jusqu’à l’écoeurement. Ensuite, passage dans une sorte de jacuzzi toujours rempli d’une eau parfumée aux herbes. Puis on m’envoie passer 5 minutes dans un bain turc et plonger mes pieds dans une mélasse d’herbes et de fleurs. Douche fraîche. Puis massage traditionnel vietnamien. En fait, un massage thai vigoureux, avec quelques variations. Pour terminer, on vous offre (compris dans le prix) une petite soupe de riz. On se sent comme neuf. 

Rentrée à l’hôtel à pied. En fait, au Métropole, hôtel mythique qui a vu défiler de nombreuses personnalités, dans le cadre duquel de célèbres accords de paix ont été signés, où je suis accueillie par moult courbettes…

Le soir, le must, c’est d’aller manger un « pho » (soupe de nouilles de riz traditionnelle)  dans le labyrinthe de ruelles du vieux Hanoi, tout près du quartier français, ou aussi de se promener autour du lac… beau plan d’eau au centre de Hanoi. De nombreux spectacles de rue, surtout le week-end, des gens dansent un peu partout sur des musiques d’un autre temps, des danses aussi d’un autre temps….C’est charmant, un peu « vintage »…

Vieux temples, pagodes entourées de bonzai, autels dévotionnels débordant d’offrandes – fruits, biscuits, des tonnes de biscuits, riz, etc. – bouddhisme empreint de superstition (les offrandes ensuite sont consommées, mais surtout vendues, et ça marche encore mieux avec la bénédiction), villages entiers dédiés à des artisanats – poterie, cages à oiseaux,  chapeaux coniques (… non, je n’en ai pas rapporté!), tout ce qu’il faut au quotidien, quoi!

Autre ville, de cette Indochine qui fut française, où l’influence et le souvenir s’exercent toujours, Luang Prabang au Laos. Pour moi, une 4e visite. Grâce, ou à cause de la protection de la ville par l’Unesco, le tourisme ne perturbe pas trop la langueur des habitants ni le quotidien du religieux. C’est la saison sèche (et chaude) et le Mékong est bas. « Des ouvrages et barages en amont, financés par les Chinois, risquent de perturber le régime des eaux du Mékong » raconte Francis Engelmann, urbaniste qui a participé pour l’Unesco aux travaux de conservation de Luang Prabang. Passionnant personnage, et surtout fin connaisseur du Laos…

Logée à l’Amantaka, une résidence superbe, au luxe discret, très « classe », qui fut autrefois un hôpital. A touch of utmost luxury… Les chambres, plutôt les suites sont toutes dotées de leur bassin privé…Traitée comme une princesse, quand j’ai demandé un vélo pour aller en ville, le personnel a fait des gros yeux et a prestement glissé dans mon panier de vélo une bouteille d’eau fraîche et une serviette rafraîchissante! Quand même!

Enfin, tout dernièrement, un petit tour (3 jours!) pour voir quelques aspects d’Angkor, ce site archéologique majeur, qui avait tellement plus à André Malraux qu’il en a emporté quelques beaux morceaux (à voir au Musée Guimet à Paris)… mais aussi humer l’air (brûlant) de Siem Reap. Channam, mon guide, n’avait pas de mot assez amers pour considérer ce vol par un homme qui devint ministre de la culture…

Voilà, tous les paradoxes de ce site, bien entendu sous la protection là aussi de l’Unesco, très embêté: qu’est-ce qu’il faut protéger? Les ruines, les restes splendides, la forêt magnifique, qui a pris possession des lieux? En protégeant les deux, la dégradation se poursuit, car la forêt ne s’arrête pas, les arbres continuent de pousser, les racines enserrant les pierres, mais aussi empêchant les temples de s’écrouler….   « Alors, il faudrait laisser les «animistes» s’occuper de tout, comme ils l’ont fait depuis des siècles, les hindouistes et les bouddhistes se sont battus, ont détruit leurs sanctuaires respectifs, avant que les Occidentaux ne viennent piller – et protéger aussi – les sites, laissons donc aux gens qui ne touchent à rien le soin de s’occuper du site! », déclare Channam, diplômé en histoire (études en France) et en civilisation khmère. « J’ai fait des études d’histoire pour comprendre », affirme-t-il. De temps à autre Channam me livrait quelques bribes de son histoire personnelle. « Mon père était militaire au service de Pol Pot. Il a tué des centaines de personnes. Il obéissait aux ordres… Je me souviens, je suis né en 1981, une famille de petits paysans, mon père a aussi travaillé à l’ambassade de France à Phnom Pen.. » Il a quelque chose de militaire, lui-même, une raideur, mais parfois aussi des traits d’un humour un peu décalé… Un homme qui m’est apparu sans âge, dont l’ironie semble cacher une amertume…

J’ai ressenti au Cambodge comme une espèce de vague tristesse qui flotte dans l’air, comme une cicatrice qui serait encore douloureuse… Samedi, petit tour sur le Lac de Sonlé Sap. Les eaux du lac montent de plus de 3 mètres pendant la mousson. Les habitants des bords de ce lac très poissonneux ont donc construit leurs maisons sur hauts pilotis, ou parfois directement sur l’eau, en domicile provisoire et flottant. La pêche, une merveille d’ingéniosité! A Siem Reap, goûté aux douceurs de la danse traditionnelle, à l’énergie d’un groupe de femmes qui découvrent les fantastiques vibrations des instruments de percussion (qui leur étaient interdits), pour reprendre leur vie en mains, aux sourires d’artistes de cirque, acrobates de génie, anciens orphelins de la guerre, qui eux aussi, ont réappris à vivre et à exister à travers les pirouettes et les applaudissements du public. A Siem Reap, goûté à la beauté d’une résidence extraordinaire, l’Amansara, où avant moi, sont venus se reposer Jackie Kennedy ou un certain Charles de Gaulle…

Camille Foetisch

Photo C.F. : Lac Son Lé, Cambodge

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